Un nouveau long-métrage de Bertrand Blier est toujours un évènement tant le cinéaste français a marqué le cinéma hexagonal avec des œuvres fortes telles que Les Valseuses, Buffet froid, ou Tenue de soirée. Cette sortie est d’autant plus importante quand le réalisateur revient après 9 ans d’absence, et réunit pour son nouvel opus Christian Clavier et Gérard Depardieu.

Comme souvent chez Blier, le film repose avant tout sur ses acteurs. Même si Clavier depuis le succès des Visiteurs est devenu une caricature de lui-même qui multiplie les grimaces et des onomatopées, je suis content de le retrouver avec un vrai texte à défendre. Ainsi, sa très bonne prestation dans le film nous rappelle que l'acteur fut jadis excellent dans des comédies dont il était coscénariste comme Papy fait la résistance ou Mes meilleurs copains. Quant à Depardieu, il semble ici « un peu plus » concerné que d’habitude. En effet, depuis quelques années, il semble seulement intéressé par le montant de son cachet et se moque totalement des films dans lequel il joue. Son apparition dans la dernière série Z de Lamberto Bava (La caverne de la rose d'or, Démons) témoigne de son désamour pour le cinéma et le métier d'acteur.

Convoi exceptionnel nous donne à voir un petit théâtre de l’absurde où les pages de scénario que les personnages ne cessent de réclamer sont la métaphore d'existences mornes dans lesquelles l’absence de choix de vie permet de ne pas faire face à l’absurdité de nos existences. Si pour ma part j’ai beaucoup apprécié le film, il faut tout de même signaler que Convoi exceptionnel est loin d’égaler les meilleures réalisations de Blier. En effet, le film souffre d’une écriture peu rigoureuse où les séquences s'enchaînent sans vraiment de lien logique. Ainsi, le long-métrage divague souvent et tient plus du patchwork que du film écrit.

C’est en même temps le charme de cette oeuvre crépusculaire où l’on évoque beaucoup la mort, et qui dans ses meilleures séquences rappelle les plus grands films du maître. On pense en particulier à ce très beau monologue d’Alexandra Lamy qui explique à son mari défunt qu’elle n’a jamais autant joui que depuis son départ et qui rappelle Tenue de soirée ouTrop belle pour toi.
C’est enfin un film qui compte de grands moments de cinéma comme dans cette scène magnifique de la boulangerie. Blier rend dans celle-ci hommage au septième art, en montrant qu’au-delà des mots la caméra est source d’émerveillement, faisant d’une boulangère rondelette ouvrant sa boutique une star de cinéma à jamais inscrite sur la pellicule, grâce à une photographie et une mise en scène de haute volée.

Ce Convoi exceptionnel laissera sur la route beaucoup de ses spectateurs surtout s’ils ne connaissent pas l’oeuvre de Blier. Mais pour ceux qui aiment son goût de l’absurde et sa philosophie de vie, le voyage vaut le détour.

Mad Will