À l'occasion de la sortie en DVD, Blu-Ray et VOD de The House that Jack Built de Lars von Trier, Mad Will vous dévoile une liste de 10 films mettant en scène des serials Killers. Comme d'habitude, cette liste a été pensée pour vous faire découvrir ou redécouvrir certains films méconnus. Vous ne retrouverez donc pas de Seven ou de Silence des agneaux que l’auteur de ses lignes aime beaucoup, mais qui ont déjà été chroniqués par d’autres maintes et maintes fois.

Un dossier écrit par Mad Will

Le Sixième Sens , de Michael Mann

Nous allons commencer cette liste par un film dont le titre français partage une certaine homonymie avec le long-métrage culte de Shyamalan mettant en scène Bruce Willis. C’est pourquoi dans cette critique nous privilégierons le titre anglais de l’oeuvre : Manhunter. Le film a été réalisé par Michael Mann après le fiasco financier et artistique de La Forteresse noire (voir mon article où je relatais cette difficile expérience pour son réalisateur). Manhunter est produit par Dino De Laurentiis dont les finances s’étaient largement amoindries après l’échec du Dune de Lynch et qui espérait obtenir un succès au box-office avec cette adaptation du livre à succès Dragon Rouge de Thomas Harris. Un temps banni à Hollywood, Michael Mann doit son poste de réalisateur à la série Deux flics à Miami qu’il avait créée et qui avait révolutionné les codes télévisuels avec une esthétique très léchée et des emprunts au vidéo-clip. Ce Manhunter est très important dans l’histoire du cinéma, car il donne à voir la première apparition d’un serial killer culte qui a été créé par l’écrivain Thomas Harris : Hannibal Lecter. Pour les fans du personnage, je préfère indiquer tout de suite que son rôle est très secondaire dans l'intrigue et qu'il est interprété par un Brian Cox au jeu plus intériorisé qu'Anthony Hopkins.

Manhunter se concentre avant tout sur le profiler Will Graham qui vient d'arrêter Lecter et qui est maintenant lancé sur la trace d’un nouveau tueur en série qui assassine des familles entières. Pour incarner ce personnage, Mann recrute William Peterson qui avait joué de façon brillante le flic désabusé de Police fédérale Los Angeles. L’acteur souffrant de problèmes d’addictions, il disparaîtra pendant un long moment des écrans après Manhunter avant de revenir à la télévision dans le rôle de Gil Grissom dans Les Experts (Las Vegas). Même si Manhunter est reconnu maintenant comme l’une des plus grande réussite du cinéaste de Heat ou Révélations, ce long-métrage fut un échec en salles.

Le film pourrait être résumé par la célébre maxime de Nietzche « "Celui qui combat des monstres doit prendre garde à ne pas devenir monstre lui-même. Et si tu regardes longtemps un abîme, l’abîme regarde aussi en toi.» Ainsi Mann dans son scénario nous donne à voir un William Peterson hanté par l’esprit des psychopathes qu’il a arrêté. À travers le personnage torturé de Graham, il nous signifie que la frontière est mince entre la folie et la raison. Le titre original Manhunter est très bien choisi, car il s'applique aussi bien au héros qui traque les tueurs en séries, qu'au serial killer qui recherche de nouvelles proies à trucider.

Le film reste impressionnant malgré les 30 années qui nous séparent de sa sortie. Portées par un sens unique du cadre et de la composition, les images qu’il nous donne à voir sont des tableaux de maître qui pourraient être affichés dans des galeries d’art. Plongée dans l’inconscient d’un flic qui risque à tout moment de devenir le tueur qu’il traque, Manhunter est à voir et revoir absolument.

P.S. : À ce titre, il existe une autre version pour le cinéma du livre de Thomas Harris. Nommé Dragon Rouge (du nom du bouquin) et réalisé par le tâcheron Brett Ratnert, ce film donne un rôle trop important à Hannibal Lecter interprété par un Hopkins qui cabotine outrageusement. Un film à fuir absolument.

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Docteur Petiot de Christian de Chalonge

Si vous êtes des lecteurs assidus de ma prose, vous savez déjà que j’aime beaucoup le réalisateur Christian de Chalonge qui a signé l’adaptation au cinéma de Malevil (voir article). Son univers fantastique, son goût pour le mystère ravit en effet le fantasticophile que je suis. Son Docteur Petiot qui met en scène l’un des serials killers les plus connus de notre histoire criminelle, emprunte beaucoup dans son esthétisme à l’expressionnisme allemand afin de dresser le portrait peu reluisant d’une France collaborationniste. Le film s’ouvre ainsi dans une salle de cinéma ou Petiot regarde un film réalisé à la manière du Nosferatu de Murnau. Décors géométriques, usage de plongées ou de contre-plongées, noir et blanc très contrasté, le film fait irrémédiablement penser au Cabinet du docteur Caligari et aux oeuvres de jeunesse de Lang. Considérant que cette esthétique était le reflet en son temps d’une Allemagne combattant ses démons intérieurs qui alimenteront le nazisme à venir, de Chalonge va irriguer tout son film de cette même esthétique faisant de Petiot une créature de la nuit prête à perpétrer les pires exactions dans un Paris crépusculaire. Cette approche formaliste assez inédite en France dans le cinéma autour de l’occupation ne cherche ainsi jamais le réalisme, mais essaye par son esthétique de rendre le chaos du monde. Le film est porté par un Serrault monumental, sorte d’enfant psychopathe dont le chaos permet de se livrer à ses pires méfaits. Ainsi, la figure du serial killer a ici une fonction avant tout symbolique : le tueur en série symbolise les agissements de certains Français qui pour s’enrichir ou laisser libre court à leurs pulsions, se mettent au service de l’Allemagne nazie.  En mettant en scène exclusivement ses crimes sur des familles juives (Petiot avait tué aussi des malfrats, des collabos ou des résistants), de Chalonge crée un monstre à l’écran qui devient la métaphore de la collaboration au service de la Shoah.  Docteur Petiot est un film qui ressemble au cauchemar d’un enfant prêt à tout détruire pour jouir pleinement comme le rappelle cette comptine que Serrault chante plusieurs fois dans le film avec des rires à vous glacer le sang : « Ah ! vous dirai-je, maman, / Ce qui cause mon tourment. / Papa veut que je raisonne, / Comme une grande personne. / Moi, je dis que les bonbons / Valent mieux que la raison. »

Une oeuvre forte et magnifiquement réalisée, dont le final rappelle avec beaucoup d’émotion les crimes de certains de nos concitoyens qui à l’instar de Petiot sont devenus des résistants en 1944. Un chef-d’oeuvre tout simplement.

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Memories of Murder de Bong Joon-ho

Memories of Murder est un monument du cinéma. Beaucoup de critiques ont écrit sur ce sommet du thriller mis en scène par Bong Joon-ho. Prenant place en 1986, le film est une habile parabole de la fin de la dictature en Corée du Sud durant les années 80. Le réalisateur n'hésite pas à nous montrer des fonctionnaires de police qui n'ont pas perdu leurs mauvaises habitudes question torture durant les interrogatoires. Dans Memories of Murder, le pouvoir en place préfère envoyer ses agents de police réprimer les étudiants que d’arrêter un tueur de femmes. Le réalisateur nous dévoile des campagnes loin des images de réussite d’une Corée citadine et moderne faisant partie du groupe des "4 dragons asiatiques". La vie y est dure et ses habitants possèdent une mentalité moyenâgeuse.

Memories of Murder témoigne du don unique de Bong Joon-ho pour mêler les registres. Le long-métrage n’hésite pas à entrecouper de scènes comiques son récit autour de la traque d’un tueur. On rit beaucoup dans le film comme dans cette scène où le flic fait le tour des bains publics pour trouver un homme sans poils qui serait selon lui serait l’assassin. Les scènes de beuveries avec ce chef de la police qui cherche un bac à glaçon pour vomir dedans sont également tordantes même si elles sont également pathétiques.

Memories of Murder flirte également avec le film d’horreur comme dans la séquence où l’on aperçoit le tueur qui hésite entre deux victimes potentielles. Faisant preuve d’un talent unique dans la description de l’humanité, il passe de scènes comiques ou policières à des séquences  réellement bouleversantes où il arrive à nous émouvoir pour des  personnages dont il a montré la bêtise crasse auparavant. La scène de l’amputation est à ce titre révélatrice.  Ce mélange des genres, c’est le portrait de nos vies où l’absurdité, la médiocrité peuvent se mêler au sublime. Memories of Murder est avant tout un grand film humain, une symphonie de tous les sentiments, et le portrait assez nihiliste de nos existences. L’homme pense pouvoir contrôler et maîtriser sa vie mais c’est un leurre à l’instar de l’enquête de nos trois flics. Ils ne peuvent pas retrouver l’assassin en raison de leur environnement et de leurs propres démons.

Au-delà de son intrigue policière, ce long-métrage est avant tout un grand film autour du « mal ». Le film révèle qu’en chacun de nous existe un instinct de destruction où l’autre n’est plus considéré comme un être vivant. Le mal n’est pas le démon cornu de la religion catholique, il se nourrit de la peur.  On voit ainsi des flics perdant pied, incapables de résoudre l'enquête, et dont les angoisses pourraient mener au meurtre.

L’humain est un animal complexe qui ressemble beaucoup à ce film hybride qui rejoue les scènes habituelles des polars, mais pour mieux les déconstruire.  On a ainsi le droit à un interrogatoire musclé qui se finira sur une série TV débile que les flics regarderont conjointement avec le suspect qu’ils viennent de tabasser.  Quant à la scène de reconstitution de crime, elle tourne au carnaval pathétique où chacun crie comme dans un Fellini sous acide.

Mais au-delà de sa richesse thématique, Memories of Murder est également un film à la beauté saisissante. Sa photographie colorée inspirée par Miyazaki devient caravagesques à mesure que le métrage nous dévoile la nature destructrice de l’homme. Bong Joon-ho possédait déjà la maîtrise d’un vieux maître alors qu’il n’était pourtant qu’à son deuxième film. Il use également des ralentis à merveille et recourt à des travellings d’une telle grâce et maîtrise qu’un Alain Resnais ne les aurait pas reniés.  Tout est parfait dans ce long-métrage jusqu'à sa musique capable en trois notes  de vous donner la chair de poule. Ce film est un miracle qui arrive peut-être une fois par décennie où un réalisateur touché par la grâce réussit brillamment tout ce qu’il tente comme avec ce plan final qui restera jamais dans l’inconscient de ses spectateurs.

Un chef-d’œuvre tout simplement à posséder !!!!!

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Hitcher de Robert Harmon

Hitcher, c’est la peur de l’inconnu, de l’intrusion dans votre vie bien rangée de cet homme ou de cette femme que vous rencontrez par hasard et qui va vous faire plonger dans l’abîme. Et quelle plus belle manière d’incarner cette angoisse à l’écran que la figure de l’auto-stoppeur que vous faites rentrer dans votre voiture et dont vous ne savez rien. Imaginez alors cette situation sur les routes désertiques des USA où vous ne trouvez pas la moindre trace de civilisation.

En s’appuyant sur cette idée toute simple d’un autostoppeur psychopathe qui joue au chat à la souris avec les conducteurs qui l’accueillent dans leur véhicule, le film va s’inspirer de l’esthétique du western avec un désert à perte de vue pour mettre en scène la perte de l’innocence et le retour à la sauvagerie de notre jeune héros. Servi par un scope (en réalité un 2.35:1 qui utilise le principe de l’anamorphose) et une mise en scène sans fioriture, le film s’appuie sur le charisme d’un Rutger Hauer absolument glaçant en ange de la mort qui montre que les lois de notre monde civilisé disparaissent quand il s’agit de survie. Hitcher est une série B parfaite signée par réalisateur en état de grâce qui se fourvoiera ensuite dans des films avec Jean-Claude Van Damme comme Cavale sans issue.

Un film avec un tueur sadique beaucoup plus recommandable que les Vendredi 13 et autre Scream  !

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Le Voyeur de Michael Powell

Michael Powell est un réalisateur très important pour ma cinéphilie. Ma première rencontre avec son cinéma remonte à mon adolescence et à l’émission Cinéma de Quartier qui fut fondatrice de ma passion pour le cinéma de genre des années 60 et 70. Ce programme permettait de découvrir ou redécouvrir des classiques du cinéma populaire européen. Jean-Pierre Dionnet, le créateur de Metal Hurlant y proposait chaque semaine un film qu’il présentait avec sa passion légendaire. Encore adolescent, la découverte du Narcisse Noir et du Voleur de Bagdad, tous deux signés par Powell et diffusés dans cette émission, me marqua profondément. Le cinéma extrêmement sensitif et romanesque de l’auteur toucha beaucoup le jeune homme que j’étais alors et qui allait pourtant voir en salles le cinéma américain d’action des Bruce Willis et autre Stallone.  Touché par la grâce des images, je fus frappé par les couleurs flamboyantes presque fauvistes de ces films. Depuis, mon amour pour les longs-métrages de Powell tels que Les chaussons rouges ou le Colonel Blimp n’a jamais faibli.

Le voyeur qui nous occupe aujourd’hui est un bijou d’inventivité qui fit scandale dans l’Angleterre bien-pensante de la fin des années 50 et qui brisera la carrière de Powell. Le réalisateur anglais y fait preuve d’une grande inventivité du point de vue du langage cinématographique et démontre une fois encore sa capacité à se réinventer de film en film.

Pour comprendre le Voyeur, il est nécessaire de se référer à l’un des initiateurs du projet, le scénariste Leo Marks qui joua un grand rôle dans l’histoire britannique durant la Seconde Guerre mondiale. L’homme travailla à partir de 1942 au sein du Special Operations Executive où il révolutionna les techniques de codage. Powell et lui envisageaient comme projet commun un long-métrage autour de Freud mais la mise en chantier par Huston d’un Biopic sur le célèbre psychanalyste autrichien les obligea à changer de sujet. Marks proposa alors à Powell de réaliser Le voyeur, film censé nous faire pénétrer dans la psyché de Mark Lewis, un tueur fasciné par le cinéma. Le scénariste, contaminé par son expérience dans le codage voyait les créations artistiques de l’esprit comme un moyen de codage de ses sentiments refoulés. À travers Le voyeur, c’est avant tout une réflexion sur l’art et particulièrement sur le cinéma comme expression artistique de nos désirs que Powell et Leo Marks nous proposent.

Le cinéma est partout dans Le voyeur, que ce soit la vue subjective du tueur à travers l’objectif de la caméra dans la première séquence du film ou bien les crédits artistiques qui apparaissent sur l’écran sur lequel le criminel diffuse ses méfaits.  Même l’arme du tueur renvoie au septième art avec ce trépied particulièrement bien aiguisé.  Powell a toujours été un grand formaliste. Ce qui l’intéresse ici c’est de faire un film sur le cinéma et d’interroger le spectateur sur son rapport à l’image. Le cinématographe fonctionne sur le principe de l’observation qui conduit le spectateur à vivre par procuration les aventures qui lui sont projetées. L’image devient un phantasme pour l’observateur, qui vit, par le biais du regard, des actions qu’il ne pourrait pas forcement accomplir dans la réalité, la personne observée étant perçue comme un simple objet (c’est particulièrement vrai pour le cinéma hollywoodien). Cela vaut pour des genres comme le film d’aventure ou la comédie romantique ou même le genre pornographique quintessence de ce désir de posséder l’autre.

Cette idée est traduite dans le film par la volonté de Mark Lewis de retrouver le sentiment de peur en essayant de le voler littéralement à ses victimes par le biais de la caméra.  Le voyeur s’ouvre ainsi avec un gros plan d’œil qui signifie que tout le film s’articule sur la question du regard. Powell use également durant tout le métrage de la caméra subjective. Dès le premier meurtre, il veut confronter le spectateur à ce que le tueur voit. Mais Powell ne se limite pas à ce dispositif et, dans la scène du tournage où Mark joue au réalisateur avant de tuer sa victime, le décor de la scène est celui d’un vrai plateau de cinéma. Cette mise en abyme du 7ème art montre bien la volonté de Powell de questionner le regard spectateur en l‘interrogeant sur ses désirs profonds. La scène assez longue fait monter crescendo la tension chez le spectateur qui, tout en connaissant déjà la fin, attend avec beaucoup d’angoisse, mais aussi (sans se l’avouer) beaucoup de plaisir, la mise à mort. Le film ne dénonce pas le voyeurisme, mais illustre l’idée que l’art, et plus particulièrement le cinéma sont des phantasmes. L’esprit malade pour le cinéaste anglais est celui qui ne comprend pas le mensonge intrinsèque de l’image projeté. Cette affirmation est signifiée par le personnage de l’aveugle, la seule à ne pas être prisonnière des représentations visuelles et qui découvre l’horrible vérité. Pour Powell, le cinéma n’est pas et ne sera jamais le réel.

L’art est donc avant tout une projection des désirs, refoulés ou non, du réalisateur et du spectateur. Il est même salutaire comme moyen d’expression des interdits. En effet, ce ne sont jamais les films qui sont malades, mais la société qui les produit et qui refuse de voir ses propres perversions. Si certains finissent par confondre l’existence réelle et l’art, c’est en raison du poids d’une société qui nous conduit à refouler au nom de la bonne conscience la réalité d'un monde sordide. À ce titre, nous avons cette scène où Lewis présent dans le bureau de presse assiste à l’arrivée d’un homme venu acheter des photos érotiques qu’il dissimulera dans une enveloppe où est écrit "Educational Books". La scène suivante avec les bleus que les stripteaseuses veulent dissimuler sur les photos montre oh combien la réalité est plus glauque et violente que le cinéma.

Nous sommes ici dans une vision freudienne de l'inconscient où le cinéma occupe la même fonction que le rêve permettant d’exorciser nos plus sombres désirs. Mais il n’est pas toujours suffisant. Powell en adoptant la caméra subjective et en faisant du tueur « le personnage principal de l’histoire » s’éloigne d’un Hitchcock autrement plus moraliste sur un Psychose (tourné presque au même moment) où il fait de Bates une bête immonde. Ainsi Powell choisit pour incarner l’assassin Karlheinz Böhm, au physique plus qu’avantageux et qui s’était fait connaître dans la série des Sisi. Ces partis pris considérés comme amoraux à l’époque étaient là pour signifier que la frontière entre le réel et sa récréation cinématographique est étroite.  La psyché humaine est en effet une chose tellement fragile qu’il est aisé de confondre ses désirs et la réalité. À ce titre, en jouant le père du héros et en offrant à son propre fils d’incarner Mark Lewis jeune, il explique qu’en tant que cinéaste, il n’est pas si éloigné du tueur qu’il met en scène. La différence est ici que le tueur, en raison de mauvais traitements, a brisé la frontière entre la fiction et le réel.

Au-delà de sa richesse thématique, Le voyeur est une référence en termes de visuel. Chaque plan du film est une réussite plastique. Surcadrages, mouvements de caméra défiant l'apesanteur, caméra subjective, usage de profondeur de champ, le cinéaste emploie la quasi-totalité des possibilités du langage cinématographique à la manière d’un Godard, mais en plus sensorielle. On pense également au Giallo tant ses audaces de mise en scène annoncent celles d’Argento. Powell est véritablement un peintre en technicolor (en Eastmancolor pour être exact) usant des couleurs primaires pour créer des tableaux de toute beauté.

Film malade à la beauté renversante, réflexion sur le cinéma comme incarnation des phantasmes du réalisateur et du spectateur, Le voyeur est tout bonnement un classique du cinéma à voir en salles !

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Henry, portrait d'un serial killer de John McNaughton

John McNaughton est un réalisateur trop sous-estimé qui a pourtant réalisé trois pièces maîtresses : Henry, portrait d'un serial killer, Mad dog and glory  avec Bill Murray et De Niro et enfin le ludique et plutôt malin Sexcrimes. Pour ses débuts au cinéma, il doit livrer un film d’exploitation avec son quota de scènes de sexe et de violence pour un budget de 100 000 dollars. Mais le réalisateur va détourner la commande comme il le fera plus tard avec Sexcrimes en réalisant un portrait glaçant en mode Nouvelle Vague d’un tueur en série.  Pas de fun ni de suspens pour découvrir le tueur, John McNaughton abolit les distances entre le spectateur et le criminel comme dans ces scènes de meurtre filmées à la manière d’un film de vacances, que regardent ensuite Henry et son second. Interprété par un Michael Rooker en état de grâce, on ne saura jamais vraiment qui est Henry. Sans doute affabulateur quand il raconte son enfance, le film n'en fait jamais un personnage de cinéma souffrant d’un trauma et qui serait la représentation d’une société malade. Henry est seulement un monstre vivant dans la crasse et qui descend des bières quand il ne part pas en virée assassiner des innocents. Servi par une esthétique crue proche du documentaire, le film est une oeuvre difficile d’accès qui devra attendre 3 ans pour être exploitée. Pas de rédemption, d’indications ou d’arguments moraux pour expliquer la folie du personnage, le film reste l'un des plus passionnants portraits sur un tueur en série.

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Psychose 2 de Richard Franklin

Il y a des deuxièmes opus attendus, car ils complètent une saga comme pour les Retour vers le futur  et d’autres, conspués parfois de façon injuste, en raison de leur filiation avec un classique du cinéma comme 2010 qui poursuivait le récit spatial et métaphysique de Kubrick. Je souhaitais aujourd’hui mettre en lumière un excellent thriller Psychose 2  qui ne fut pas forcement bien reçu par la critique qui ne supportait pas qu’Universal ait fait une suite au chef-d’œuvre d’Hitchcock. Ce deuxième opus des aventures de Norman Bates met en scène notre psychopathe préféré  22 ans après une mémorable scène de douche dont le second volet reprend les images en introduction comme pour mieux l’évacuer et s'en détacher. Assez habilement, le long-métrage va opérer la transition entre les images du film d’Hitchcock grâce à un passage du noir et blanc à la couleur sur un plan de la demeure des Bates. Nous découvrons ensuite un Norman vieilli dans un tribunal qui est déclaré guéri et obtient alors une remise de peine qui l’autorise à sortir après 22 ans passés en institution psychiatrique. C’est à ce moment que surgit Lila Loomis (la soeur de l’amant de Marion dans le premier film) qui demande son maintien en prison au regard des horreurs qu’il a perpétrées. Peine perdue, Bates est libre et revient à son hôtel. Il est alors engagé dans un snack où il rencontrera Mary, une fille qui semble au premier abord un peu paumée et pour laquelle il se prend d’affection. Mais très vite, le passé ressurgit dans sa vie sous la forme d’étranges coups de téléphone. Et si Mme Bates était encore vivante ? Et si Norman était redevenu fou ?

Mais avant de parler du film, il me semble indispensable de se pencher sur les auteurs de cette suite originale qui ne s’inspire nullement des ouvrages de Robert Bloch, l’auteur du roman dont le premier Pyschose  était l’adaptation.
On retrouve à la réalisation Richard Franklin (Richard Bruce quand il fit quelques grivoiseries au début de sa carrière) qui s’est fait connaître à l’international avec l’excellent thriller surnaturel Patrick  qui a obtenu tout de même le Grand prix au Festival international du film fantastique d'Avoriaz 1979. Il signa également Link , un long-métrage culte du cinéma d’horreur avec Terence Stamp en 1986. Pas forcement le plus grand réalisateur du monde, mais tout de même un solide artisan dont la composition des plans dans Psychose 2    est remarquable. Quant au scénariste c’est le sympathique et trop sous-estimé Tom Holland, qui signa en tant que réalisateur les réjouissants Vampire vous avez dit vampire ? et Jeu d’enfant . Deux films que nous avons chroniqués et défendus à CCSF.
De trop nombreux critiques détestent le film sans l’avoir vu, car ils déconsidèrent les artisans qui sont à l’oeuvre. Le résultat leur donne tort ! La qualité de la photographie et la rigueur des plans, l’inventivité du scénario en matière de rebondissement et sa rigueur pour composer des personnages vraisemblables d’un point de vue psychologique font de ce film une oeuvre originale qui prend des distances avec son illustre modèle sans jamais le contredire.

Le film s’appuie sur un scénario solide qui réussit à créer un suspens alors que l’on pensait tout connaître de l’histoire dès le premier volet. Plutôt que d’imiter, Holland choisit délibérément de centrer son scénario sur Bates afin de nous faire partager ses tourments. Le film devient alors une variation sur L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde de Stevenson où le mal et le bien finissent par se confondre. Si Hitchock en bon puritain nous dressait un portrait un peu facile et stéréotypé du tueur sadique maltraité par sa maman dans ses jeunes années, le Norman de cette suite est plus ambivalent grâce à une humanisation réussie du personnage et l’interprétation hors-norme de Perkins. Ce Psychose 2 s’avère beaucoup moins manichéen que l’original, car il dresse le portrait d’une maladie mentale qui altère la personnalité d’un être qui est aussi une « victime «  de sa folie. Même si Bates est au centre du récit, le film prend le temps de soigner les personnages secondaires. Ils sont tous très bien interprétés (On retrouve Vera Miles du premier psychose dans le rôle de Loomis) et jouent un rôle essentiel dans une histoire où tout le monde ment et manipule l’autre. Si Holland dresse un portrait peu reluisant de l’humanité, il réussit dans le même temps à proposer une variation assez touchante de La belle et la bête à travers la relation entre la jeune Mary et Bates. Leur histoire est finement écrite et montre comment l’homme est aussi doué pour la destruction que la compassion.  En dehors d’un retournement final un peu facile qu’on imagine téléguidé par les studios, le scénario est un modèle du genre dont la construction du second acte (où l’intrigue se révèle) mériterait d’être étudiée en cours d’écriture. Réussir un scénario qui réinvente un classique du cinéma avec de nombreux retournements, est une gageure qu’Holland réussit plutôt brillamment.

Le film est également une réussite formelle grâce à la mise en scène d’une grande rigueur de Richard Franklin. Le réalisateur a bien compris que les réalisations de Sir Alfred d’Hitchcock s’articulaient autour d’images signifiantes. Chaque plan correspond à une idée que le réalisateur doit communiquer aux spectateurs. Psychose 2 est donc servie par une réalisation rigoureuse où chaque cadre est soigné et qui joue beaucoup sur la grammaire du cinéma pour illustrer la psychologie des personnages comme avec ces vues en plongée qui montrent un Bates accablé par la folie.  Le film est à ce titre très différent du cinéma d’horreur actuel où le but est de faire sursauter le spectateur.  L’effet prévaut malheureusement trop souvent sur le scénario aujourd’hui. Franklin n’expérimente pas autant que le grand Hitch sur la scène de la douche, mais sa réalisation n’est jamais ridicule face à son glorieux modèle. Enfin, j’évoquerai la musique de Jerry Goldsmith qui arrive à imposer son style par rapport à la partition assez mémorable de Bernard Herrmann. Une musique plus intime, à l’image d‘un film qui traite avant tout de la perte des repères psychologiques d’un homme devenu fou dans une société malade.

Vous l’avez compris, ce Psychose 2 est un film beaucoup plus réussi que sa réputation ne le laisse entendre. Son seul crime, mais pas des moindres fût d’être la suite d’un chef-d’oeuvre du cinéma. Un film étonnant que je vous invite à découvrir et qui m’avait marqué lors de ma première vision, alors que j’étais convaincu qu'il était impossible de faire une suite réussie à Psychose !

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La nuit des généraux de Anatole Litvak

La nuit des généraux est un film méconnu que je souhaitais vous faire redécouvrir. Doté d'un casting international où se croisent Omar Sharif, Peter O'Toole, Donald Pleasence ou Philippe Noiret ainsi que Pierre Mondy, cette histoire de serial killer met en scène un soldat allemand qui enquête sur d’horribles meurtres qui auraient été perpétrés par un général de la Wehrmacht. Ce militaire humaniste joué par Omar Sharif va devoir face à des supérieurs qui veulent taire la vérité. Co-scénarisé par Joseph Kessel, cette superproduction est un habile mélange entre le récit policier et le film historique. La nuit des généraux, à l’instar de La Forteresse noire ou de La croix de fer de Sam Peckinpah, nous donne à voir une armée allemande composée d’hommes enrôlés de force, d’arrivistes et de bourreaux qui profitent de la guerre pour légitimer leurs exactions.
Une œuvre très classique dans sa mise en scène qui montre comment le chaos d’une époque permet à des individus d’accomplir des crimes atroces. Le film met ainsi en scène un personnage de général assassin qui s’avère une personnification de la guerre, de cette violence idiote et impardonnable qui fait de tant d'hommes des tueurs en série au service de l’état.
Une curiosité à découvrir ou redécouvrir.

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C'était demain de Nicholas Meyer

Une sélection de films de serials killers sans Jack l’Éventreur aurait été impossible. Je vous propose donc de revenir sur C'était Demain qui raconte la traque par H. G. Wells de Jack l’Éventreur dans les USA des années 70 où les deux hommes se retrouvent grâce à une machine qui voyage dans le temps.

Malcolm McDowell, lors de l’hommage qu’il a reçu à la cinémathèque, évoque le film comme l’un de ses préférés. Et je peux vous confirmer que le bougre qui a tout de même joué avec Kubrick a raison d’aimer à ce point le long-métrage. En effet, rarement, un film a aussi bien maîtrisé le concept de voyage dans le temps. Nicholas Meyer, le réalisateur qui a signé le mémorable Star Trek 2 : La Colère de Khan, est un amoureux des grands mythes populaires et aborde avec beaucoup d’intelligence l’univers de Wells, comme il l’avait fait dans son roman La solution à 7 % qui mettait en scène la rencontre entre Freud et Holmes. 

Dans les rôles respectivement de H. G. Wells et de Jack L’Éventreur, Malcolm McDowell et  David Warner prouvent qu’ils sont d' immenses acteurs comme dans cette extraordinaire scène où Jack regarde la télévision et déclare à H. G. Wells qu’il n’est qu’un amateur dans notre monde contemporain en termes d’horreur. Ce long-métrage oublié par le grand public d'aujourd’hui (même si une série inspirée du film vient d'être lancée) a obtenu le Grand prix et l’Antenne d'or au Festival international du film fantastique d'Avoriaz en 1980. Des trophées amplement mérités pour un long-métrage que je vous invite à redécouvrir.

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Que Dios nos perdone de Rodrigo Sorogoyen

Que Dios Nos Perdone est la nouvelle bombe du thriller espagnol. Le film met en scène un tueur en série qui viole et tue de petites vieilles alors que les Journées mondiales de la jeunesse se déroulent sous le patronage de Benoit XVI dans un Madrid caniculaire. Alfaro et Velarde, un duo improbable de flics formé par un bègue et un impulsif à la violence exacerbé sont chargés d'enquêter.

Que Dios Nos Perdone est une perle du polar qui n’hésite pas à brocarder une nation ibérique très pieuse qui agit avec ses migrants et ses pauvres de manière peu chrétienne. De plus, à travers la conduite pas toujours recommandable de ses protagonistes masculins, le réalisateur dénonce le patriarcat d’une société qui ferme les yeux sur l’attitude inadmissible de la gent masculine comme dans cette scène très crue ou une femme de ménage menace de faire violer.

À l’aide d’une mise en scène énergique et grâce à un montage à l’efficacité redoutable qui n’use jamais du gore, le réalisateur ne tombe jamais dans la complaisance. Grâce à une interprétation de haute volée, le film nous accroche littéralement à notre siège avec cette histoire de tueur en série qui n’a rien à envier aux références américaines du genre telles que Zodiac, ou Seven. À voir absolument !

La critique de la rédaction pour la sortie du film en France le 09 août 2017 : Lien

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