Ce premier long métrage de fiction du réalisateur luxembourgeois Govinda van Maele est une réussite étonnante. Du thriller au fantastique, en passant par la bluette et la chronique sociale, Gutland balaye une étendue de genres sans pourtant tomber dans le fourre-tout qu’un jeune cinéaste comme Govinda van Maele aurait pu frôler dans l’excitation d’un premier film.

Le film est disponible en DVD ou en VOD à l'adresse : https://vimeo.com/ondemand/gutland/296864251

La critique :

Il y a des pays dont on entend malheureusement rarement parler pour leur actualité cinématographique, et le Luxembourg en fait partie. L’arrivée fracassante en février dernier de l’actrice Vicky Krieps dans les salles obscures (avec Phantom Thread de Paul Thomas Anderson) était l’amorce d’un rapprochement avec nos voisins du Grand-Duché. En cette fin d’année, Vicky Krieps revient à l’écran, défendant cette fois les couleurs de son pays natal avec Gutland, le premier long métrage de Govinda van Maele.

Il s’agit ici d’un “thriller rural” (oui, le genre est bien existant : Petit Paysan, Tom à la ferme...) filmé sur les terres agricoles de la région sud du pays dans laquelle débarque soudainement Jens (Frederic Lau) dit “L’Allemand”. Malgré son physique inquiétant de brute épaisse, il est relativement bien accueilli par les locaux, chez qui il trouve rapidement du travail en aidant à la récolte du maïs. Personne ne lui pose trop de questions sur les raisons qui l’ont mené à quitter l’Allemagne bien que son oeil inquiet et ses réponses évasives le rende immédiatement louche aux yeux du spectateur. Pour Lucy (Vicky Krieps), jeune villageoise du coin, les cheveux hirsutes et le ton bourru du nouveau venu constituent même un charme auquel elle s’empresse de succomber. Après quelques coucheries incertaines, leur relation se stabilise. Mais problème : Jens s’avère fuir le braquage d’un casino et est activement recherché par la police tandis que Lucy se révèle elle aussi pas très nette, se rendant chaque soir à des heures tardives dans une maison abandonnée. Qui est vraiment Jens et que vient-il trafiquer dans les contrées (pas si) paisibles du Luxembourg ? Pourquoi Lucy est-elle obsédée par le fantôme d’un ancien amant disparu ?

Le mystère s’installe, monte activement en puissance, et et même s’il déçoit dans sa résolution, cela n’entache pas le reste du film. Gutland est un premier long métrage très singulier où chaque personnage a son lot d’étrangeté et où l’angoisse planante passe par de bonnes idées de mise en scène, comme par exemple dans une séquence où Jens est poursuivi par un engin agricole, comme un monstre prêt à le dévorer, faisant du champ de blé le champ d’une bataille redoutable. Du thriller au fantastique, en passant par la bluette et la chronique sociale, Gutland balaye une étendue de genres sans pourtant tomber dans le fourre-tout qu’un jeune cinéaste comme Govinda van Maele aurait pu frôler dans l’excitation d’un premier film. Dans sa note d’intention, il révèle avoir avoir choisi un village bucolique comme métaphore d’un monde confiné, celui de son Luxembourg natal où le PIB mirobolant et le sentiment de sérénité n’empêche par le pays d’avoir son lot de blessures et de secrets souterrains, qui apparaissent lors de la confrontation à l’étranger. Cet intéressant point de vue peut alors s’étendre à une Europe toute entière face à la crise migratoire…

Suzanne Dureau

Le film est disponible en DVD ou en VOD à l'adresse : https://vimeo.com/ondemand/gutland/296864251

La bande-annonce :