Dans la France des années 1990, Arthur, étudiant à Rennes qui rêve de cinéma, fait la rencontre de Jacques, un écrivain parisien de quinze ans son aîné. Immédiatement, ils se plaisent, se tournent autour mais Jacques, séropositif, n’a pas le temps pour cette dernière romance.

Comme pour le titre, Christophe Honoré respecte la règle de trois dans la distribution des rôles. Arthur, le fougueux Vincent Lacoste, est inattendu et parfait dans le rôle d’un jeune homme qui baise des mecs mais qui ne tombe amoureux que de filles, jusqu’au jour où il rencontre Jacques. Il lui écrit, l’appelle, mais l’écrivain préfère accompagner les derniers jours de son ami Marco, victime du sida. Jacques c’est Pierre Deladonchamps, même si le rôle était initialement pensé pour Louis Garrel. On est presque ravi que ce dernier, ancienne muse de Christophe Honoré, ait abandonné le projet tant la beauté et la sensibilité de Jacques semble être écrite pour celui qu’on a découvert dans l’Inconnu du lac il y a cinq ans. Autour d’eux gravite Denis Podalydès, dans le rôle du voisin et ami de Jacques, homosexuel dont la plastique ne permet pas de multiplier les conquêtes, bon camarade, surtout lorsqu’Arthur débarque à Paris pour retrouver Jacques et que s’installe un ménage à trois.

Comme la maladie le film est grave mais se soigne par l’humour (en particulier les farces sur les bretons), et la douceur de l’image toujours bleue, qui rappelle l’obsession chromatique de Jacques Demy qu’Honoré a l’habitude de prendre comme modèle (notamment dans Les Chansons d’Amour qui cite constamment Les Parapluies de Cherbourg). Truffaut, Guibert, les références fusent du côté des idoles du réalisateur mais aussi de son histoire personnelle. Honoré partage avec Arthur la perte de son père à l’adolescence, l’envie de faire du cinéma depuis la Bretagne et la fascination pour des hommes plus âgés et cultivés. On imagine alors le jeune Honoré, se prenant d’affection pour Hervé Guibert, vivant à Paris et comme Jacques, atteint du VIH.

Plaire, aimer et courir vite est un film qui se voit : chaque plan est parfaitement construit, jusqu’au costume des figurants ; qui s’écoute : pas seulement au rythme de Prefab Sprout et Cowbow Junkies dans les walkmans, mais aussi dans les dialogues fluides, littéraires. Un film qui éprouve, qui tord le ventre comme une rencontre amoureuse.

En réunissant toutes les qualités présentes dans les précédents films de Christophe Honoré, Plaire, aimer et courir vite constitue son œuvre la plus complète.

S.D.