On retrouve dans Place publique les nombreux ingrédients qui font le succès des films du duo Bacri / Jaoui : les chassés-croisés amoureux, la satire de l’époque, la peinture burlesque de tous les caractères humains qu’il faut pour faire un monde. Comme son titre le laisse entendre, il est également question de notoriété dans ce nouvel opus. Distribuant à elle-même et à Jean-Pierre Bacri des rôles d’anciens compagnons, et à Léa Drucker celui de productrice de télévision, Agnès Jaoui brouille les cartes entre réel et fiction, satirisant son ancien couple, le petit monde des gens connus, mais aussi de l’autre côté de la gloire les anonymes accordant candidement un crédit excessif aux façades publiques des célébrités.

Comédie non plus de la maturité, mais de la sénescence annoncée, ce nouvel opus aborde également pour la première fois chez Jaoui avec tant d’acuité le sujet de la vieillesse, notamment à travers la partition salée de Bacri geignant cette fois-ci sur sa haine du temps qui a emporté avec lui trop de ses cheveux. Si le cadre de la fête mondaine est propice aux bilans sur les choix de vie de chacun, auxquels les personnages se prêtent tour à tour dans une ronde de confidences et d’esclandres entrecoupées de gags récurrents, la sensibilité de la réalisatrice pour les enjeux sociaux induit évidemment un bilan sur les idéaux politiques de jeunesse des uns et des autres. Les différents personnages incarnent alors chacun un archétype politique : Jaoui et Bacri s’opposent comme idéalisme et cynisme, Nina Meurisse (leur « fille de cinéma ») représente la jeunesse désillusionnée qui ne sait pas comment trouver le juste milieu entre ces deux extrêmes sans tomber dans la tiédeur libérale, tandis que Léa Drucker rend désespérement convaincant un certain pragmatisme joyeux.

Au bout du conte, les méchants sont-ils punis et les différentes classes peuvent-elles s’aimer ? La réponse cinématographique de la réalisatrice est optimiste, tendre, littéralement enchantée. Les chansons qui parsèment Place publique en sont d’ailleurs peut-être les scènes les plus émouvantes, quand le temps se suspend et qu’au lieu de mentir et de se mentir, les personnages ont la sagesse de revenir à l’essentiel en plaidant humblement, comme Baschung, pour « que ne durent que les moments doux ».

F.L.