En ce jour de février, où un froid polaire envahissait les rues de la ville, seul, courageusement armé d’un stylo, je suis parti avec l’enthousiasme du critique débutant découvrir le troisième volet version cinéma de la trilogie littéraire fantastique signée James Dashner. Amateur de science-fiction, j’étais un spectateur potentiel pour ce long-métrage dont j’avais lu la version papier.

Le film intitulé Le remède mortel aurait dû s’appeler "l’ennui mortel". Les romans souffraient déjà d’une structure vacillante. L’auteur démarrait sur un concept plutôt alléchant avec un labyrinthe ou de jeunes gens se retrouvaient enfermés sans mémoire. Puis le livre se perdait très vite dans une intrigue post-apocalyptique relativement convenue faute d’avoir des idées assez fortes pour remplir les trois volumes.

Quand on regarde le film qui arrive sur nos écrans, il est néanmoins très difficile de retrouver des traces du roman. Vous pourrez m’argumenter qu’une œuvre de cinéma est forcée de faire des coupes par rapport à son aîné littéraire en prenant l’exemple souvent trop souvent cité qu’est Le nom de la rose. Je vous répondrai alors non sans ironie que le film de Wes Ball qui nous occupe, ne dépasse jamais le niveau des latrines de l’épopée monastique de Jean-Jacques Annaud.

Labyrinthe 3 est symptomatique de trop de productions hollywoodiennes qui font preuve d’un mépris pour leur public qui fait froid dans le dos. Conçu par une armée de communicants qu'on imagine aux chemises blanches et naseaux cocaïnés, le film annihile tout le développement psychologique des héros du roman. En changeant l’intrigue dans ses grandes largeurs pour ne pas froisser son spectateur, la Fox a utilisé ce labyrinthe pour en faire son Hunger Games avec un casting adolescent pensé pour faire vaciller les gamines qui collent encore des stickers de La reine des neiges sur  leurs classeurs de 6e. Aucune noirceur, aucune profondeur des personnages, le film fait preuve d’un manichéisme outrancier presque vulgaire où le seul véritable méchant Janson est d’une bêtise crasse et perd toute ambiguïté par rapport au roman. Son pauvre acteur Aiden Guillen connu pour Queer as folk et rendu célèbre pour le rôle de Little Finger dans Games of Thrones peine à incarner son personnage, son jeu se limitant à un pauvre battement de cil.

Le jeune casting à ses côtés est encore plus catastrophique, Dylan O'brien, Kaya Scodelario sont totalement transparents. Sans relief, incapables de jouer une scène d’émotion sans lever les yeux au ciel, Flipper le dauphin avec ses nageoires ou Lassie chien fidèle devant un os étaient de meilleurs acteurs en comparaison. Assis dans mon fauteuil de cinéma et totalement désintéressé par leur sort, j’en venais à prier qu’ils se fassent contaminer par le virus mortel.

Ce qui caractérise le film, c’est son absence totale d’enjeux. Le film multiplie jusqu’à l’écœurement, les « Deus ex machina » (expression qui s'applique à un élément qui arrive par surprise et qui résout un problème bloqué jusque-là), nous empêchant de nous inquiéter un tant soit peu pour la destinée de son héros Thomas. Sans cesse sauvé par les évènements ou ces compagnons, rien ne pourra jamais lui arriver de grave, pas même à son brushing.

On sent bien la volonté du studio de caresser son spectateur dans le sens du poil, de ne jamais inquiéter la jeune fille en fleur pour son amour de magazine pour adolescentes. Mais bon Dieu que c’est ennuyeux ! Les personnages et les actions entrevues dans le film ne sont que des archétypes en mode hydrocéphale du Héros aux mille et un visages signé Joseph Campbell.

Ce livre fondateur pour beaucoup de films hollywoodiens expose le schéma narratif archétypique du héros. Dans ce remède mortel, toutes les situations dramatiques qui auraient pu relancer le récit sont abominables, inutiles et écrites à la truelle. Les aventures vécues par Thomas ne le font jamais évoluer et ses actions sont incohérentes, car soumises au diktat de scénaristes sans aucune intelligence. C’est tellement bateau, attendu et convenu, que les ronflements à chaque seconde se multipliaient dans la salle contaminée par le virus de l’ennui.

Pour finir ce tableau apocalyptique, comment ne pas évoquer cette direction artistique recyclant des décors mille fois vus ailleurs. Vide, répétitif et sans la moindre originalité, le décorum du film nous fait presque regretter les films fauchés italiens des années 80 tels que Les Prédateurs du futur ou bien encore 2019 après la chute de New York. Ces films bis étaient autrement plus inventifs et généreux que la production boursouflée proposée par la Fox avec son labyrinthe. On se demande encore où sont passés les 70 millions de budget. Enfin comment ne pas évoquer ce final « Flower Power » qui ressemble à une publicité Orangina jouée par des surfeurs de pacotille en mode Brice de Nice. Cette conclusion démontre une fois encore la participation forcément passive de tous les techniciens et autres artistes sur ce film.

Le film pour enfants et jeunes adultes est un genre noble. Il ne doit pas être laissé entre les mains de producteurs qui conçoivent un film pour un public qui selon eux serait prêt à tout avaler. Quand on a traité du Secret de la pyramide, on évoquait un long-métrage pour enfants qui respectait son audience. Quand on regarde Breakfast Club, on voit un film pour adolescents qui est devenu un classique du cinéma. Avec ce troisième volet de la saga Labyrinthe, le cynisme n’est jamais loin tant le film est bâclé.

Vous aimez l’univers du labyrinthe vaguement évoqué dans les films, lisez les romans ! Vous aimez les mauvais films, regardez 2019 après la chute de New York, vous rigolerez plus ! Mais surtout, si vous aimez le cinéma n’allez pas voir ce produit standardisé et totalement inutile.

Mad Will