Retrouvez la sélection de films de l'année 2017 de vos quatre rédacteurs préférés :

2017 vu par Mad Will

Ah le doux bilan de l’année cinématographique qui s’est écoulée !

Je commencerais cette revue par un film inédit en France, mais découvert au FEFFS de Strasbourg, revu avec un égal bonheur au PIFFF, et qui reste pour moi l’une des œuvres maîtresses de l’année. Chers distributeurs, il faut absolument sortir The Endless  et le faire connaître au plus grand nombre ! En effet, cette œuvre sous influence lovecrafitenne confirme tout le bien que l’on pensait depuis Spring de ses réalisateurs Justin Benson et Aaron Moorhead , qui concilient avec une rare aisance le cinéma indépendant et le genre fantastique.

Autre coup de coeur de l’année, le Belle Dormant  d’Ado Arrietta nous propose sur l’écran un sommet du cinéma surréaliste. En héritier de Méliès, le cinéaste grâce à la puissance de l’imagination transforme une forêt parisienne en la plus redoutable des jungles. Un film enchanteur au sens le plus fort du terme !

Coproduction entre l’Espagne, la Corée et les USA, Colossal  a été distribué en SVOD dans l’Hexagone. Un scandale au regard de la qualité de cette réalisation qui mixe la péloche de monstre et le cinéma intimiste. Colossal dresse ainsi un portrait effrayant de la domination masculine très éloigné des clichés des films américains. Intelligent, réalisé avec soin et finement écrit, Colossal est définitivement l’un des longs-métrages de l’année.

Quelques mots sur La lune de Jupiter ... N’écoutez surtout pas les grincheux qui ont vu dans cette réalisation de Kornél Mundruczó un mièvre manifeste pro-religieux. Le film est un sommet de mise en scène qui nous interpelle avec beaucoup de passion sur la nécessité des idéaux. Dans un univers nihiliste gangrené par l’ironie télévisuelle, La lune de Jupiter mérite d’être défendu.

Comment ne pas citer parmi les réussites de l’année le La La Land  de Damien Chazelle ? Le film dépasse son cadre de réalisation de studio pour nous offrir une comédie musicale qui, dans la lignée de Jacques Demy, nous parle du temps qui passe et des difficultés de la vie derrières ses chorégraphies aériennes et ses couleurs chatoyantes. Profond et léger à la fois, un modèle de comédie musicale !

Passons du côté des resorties avec Miracle Mile , de Steve De Jarnatt ! Comment ce classique des années 80 a-t-il pu être oublié pendant tant de temps ? Porté par une mise en scène que n’aurait pas reniée Scorcese, une histoire d’amour qui m’a ému jusqu’aux larmes sur fond de pamphlet nucléaire. Mélangeant les genres avec maestria, Miracle mile est un chef d’œuvre.

Du côté des films de genre français, le premier film de Julia Ducournau est une très belle surprise qui montre une fois de plus que le fantastique est une valeur sûre quand il s’agit de parler la société. Maîtrisé formellement, répondant aux lois du genre tout en proposant un discours sur la société, Grave  semble être le signe réjouissant de la résurrection du film d’horreur français. Le début d’une nouvelle ère pour le cinéma de genre ? Revenge , que vous pourrez découvrir au cinéma le mois prochain, tendrait à le confirmer.

Partons à présent vers la péninsule ibérique qui nous a offert un petit joyau sur nos écrans cette année avec Que Dios Nos Perdone . Le film est un thriller dans la lignée de Seven  qui prend place à Madrid et vous clouera à votre siège tout en dressant un portrait peu flatteur d’un pays en proie à la crise économique. Avec El Bar , L’homme aux mille visages ou encore Matar un Dios  (vu au PIFFF), les Espagnols sont les artisans d'une cinématographie parmi les plus stimulantes du vieux continent.

Mother !  est un grand film qui marquera l’Histoire du cinéma. Œuvre allégorique utilisant le langage cinématographique pour créer un film-monde à la manière de Jodorowsky, cette réalisation de Darren Aronofsky regorge de trésors de mise en scène. Au final, bien au-delà du septième art, Mother ! est un rêve dont les visions vous accompagneront toute votre vie. 

Avec Good Timeles frères Safdie signent un polar urbain porté par un Robert Pattinson au sommet de son jeu d'acteur. Les réalisateurs créent ici un objet cinématographique novateur qui s’inspire aussi bien du jeu vidéo que des blockbusters ou du cinéma d’auteur européen. En phase avec son époque grâce à une direction artistique à couper le souffle, Good Time est le reflet de l’Amérique schizophrénique d’aujourd’hui !

Enfin, avec Au revoir là-haut , Dupontel montre qu’avoir des exigences artistiques n’est pas antinomique avec la réalisation d’un film populaire. À la tête d’un de l’un plus gros budgets du cinéma français de l’année, il nous emporte dans la grande Histoire avec un souffle romanesque qu’on ne lui connaissait pas encore, et signe un joli film que n’aurait pas renié un Tardi en bande dessinée. Généreux, bien réalisé et écrit avec soin, Au revoir là-haut est une belle réussite.

 

2017 vu par Thomas Kukla

Ouvrons ce top avec le dernier film d’Arnaud Desplechin qui retrouve pour l’occasion son personnage de Paul Dédalus. Brillamment mis en scène, le film construit un labyrinthe mental qui mélange fiction et fantasmes. Lorgnant du côté de Hitchcock et de Lynch, Les fantômes d’Ismaël est une réussite totale aux différents niveaux de lecture passionnants.

Mon coup de cœur de Deauville.

Avec A Ghost Story , David Lowery signe un film métaphysique bouleversant à rebours du genre en décidant d’adopter le point de vue d’un mort pour mieux parler des vivants. Une expérience saisissante.

Ou comment ne pas faire de biopic. Très intelligent dans son approche, Mathieu Amalric superpose les couches du récit pour éviter l’écueil de la narration bête et méchante de la vie de la chanteuse. Structuré à partir des chansons de la dame brune, porté par la présence irradiante de Balibar, Barbara offre de très belles images et beaucoup d’émotion.

La grosse claque de l’année. Une mise en scène d’une agressivité et d’une inventivité folle qui marque violemment le spectateur. Mother ! est une proposition cauchemardesque qui reste vivace longtemps après la projection.

En abordant le groupe et l’intime à travers une fine écriture des personnages et une excellente direction d’acteur, Robin Campillo réussit un film magnifique et très authentique et évite les potentiels écueils liés à un sujet brûlant, déjà traité au cinéma par des films devenus générationnels.

Avec cette ambiance toujours sur le fil qui n’appartient qu’à Dupontel, Au revoir là-haut détonne par sa maîtrise élégante et efficace. Une plongée passionnante dans cette arnaque aux monuments aux morts structurée par une mise en scène grandiose. Une certaine idée d’un cinéma populaire divertissant et intelligent.

Difficile de faire l’impasse sur cette comédie musicale enlevée qui multiplie les clins d’œil au genre. Parfaitement calibré, La La Land n’en reste pas moins très généreux et touchant.

Good Time est un bijou de mise en scène particulièrement haletant qui fait avancer son récit en créant de la tension pour chaque nouvelle séquence. Avec un découpage qui semble parfois emprunter aux grosses productions, les frères Safdie réussissent un film tendu et impressionnant.

Le film aspire tout dès la première image et ne relâche rien pendant 1h40. Très sensoriel, Dunkerque aborde sur tous les fronts la question de l’attente et de l’angoisse de la mort. Une expérience immersive emphatique (voire pompeuse dans son dernier quart d’heure), mais qui n’en reste pas moins poignante.

Un film parfaitement malsain qui flirte avec la ligne rouge. Tom Ford interroge la création et la fiction à travers une mise en abyme saisissante. Nocturnal Animals est un film vénéneux au parfum de vengeance suffocant.

 

2017 vu par Laurent Schérer

Difficile de faire un top 10 parmi les films de l’année 2017. Ma présélection en compte une cinquantaine. Alors soit je suis bon public, soit les films sortis sont de bonne qualité (ce dont je suis sûr). Et encore je n’ai pas pu tout voir (immense frustration). Je suis sûr qu’il y a des films que je n’ai pas vus et qui valent ceux de ma liste. Voici donc des films qui m’ont beaucoup touché, pour les raisons les plus diverses, car c’est cela aussi le cinéma : il n’y a pas qu’une espèce de « bon film », il y a de multiples sortes de bons films, des films de fiction, des documentaires, des films pour jeune public, des polars, des films de genre… Vive la diversité dans le cinéma !

L.S.

Liste des 10 films par ordre alphabétique :

120 battements par minute

Dans un recoin de ce monde

Grave

J’ai même rencontré des tziganes heureux

Laissez bronzer les cadavres

Le grand méchant renard

Paris pieds nus

Prendre le large

Sans adieu

Une femme fantastique

 

2017 vu par Florine Le Bris

(qui a décidé de remettre des Souris d'Or en hommage au logo de notre entreprise)

Djam , Souris d'Or du film libertaire

Parce que dès l'inoubliable séquence d'ouverture, Tony Gatlif oppose à la stupidité des barbelés qui séparent les hommes la subtilité des arts qui les rassemblent. A l'instar du Run the World (Girls) d'Ibrahim Maalouf, le réalisateur-compositeur « méditerranéen » lutte contre le malheur et la violence qu'induisent les politiques culturophobes en invitant chacun à résister en cultivant le partage, qu'il soit culinaire, musical ou simplement amical. Une thématique on ne peut plus brûlante, une interprète principale solaire qui enchante tout ce qu'elle approche, une B.O. ardente qui nous invite à (re)découvrir le rébétiko, un dénouement optmiste... Dans la mare de la barbarie, Djam est un pétulant pavé. 

Après la tempête, Souris d'Or du film existentiel

Parce que, sans bouzoukis ni claquettes, avec un protagoniste plus au creux qu'au sommet de la vague, Kore-Eda Hirokazu signe un bijou d'humanité. En digne héritier d'Ozu, le réalisateur japonais filme la beauté cachée au coeur des actions les plus quotidiennes, l'amour niché au creux des moments partagés les plus ordinaires. Et réussit aussi bien à nous faire rire de notre humaine propension à la procrastination et à la mauvaise foi, par le truchement de ses nombreux personnages ridicules - à la limite de la parodie, qu'à nous faire méditer sur leurs antidotes, grâce aux perles de sagesse délivrées par l'espiègle grand-mère. On en redemande !

Paris pieds nus , Souris d'Or du film poético-burlesque

Parce qu'Abel et Gordon, notamment grâce à leur jeu d'acteur très physique, réussissent ce que peu de réalisateurs depuis l'avènement du cinéma parlant sont encore capables de faire : déployer une poésie purement visuelle. En filmant les aventures amoureuses d'attachants hurluberlus se courant après dans un Paris de la marge, le duo compose une pétillante ode à la liberté. Quoi de plus bienvenu dans notre société de plus en plus obsédée par la sécurité ?

The square , Souris d'Or du film satirico-sociologique

Parce que contrairement au cynisme désespéré de Haneke qu'il évoque parfois, Ruben Ostlund ne semble pas avoir totalement perdu foi en la possibilité d'une morale à échelle humaine (dût-elle se réduire à un carré de 2/2m). Au lieu d'être univoquement noir, son Square est toujours équivoque et nous force à sonder notre propre équivocité en nous posant les seules questions qui restent à l'athée : quelle sont les parts de ma vie que je dois consacrer aux autres et à moi-même ? Comment aider plus déshérité que moi sans être déplacé ou indécent ? Parce que le cinéma est utile quand il se fait poil à gratter, ce film qui nous force à nous interroger sur nos compromissions est salutaire. 

Les fantômes d'Ismaël (version longue), Souris d'Or du film méta-cinématographique

Parce que Desplechin voyage dans ses souvenirs personnels et artistiques et permet ainsi au desplechinophile de se régaler de ses propres réminiscences de la filmographie du Roubaisien. Parce qu'il fait preuve d'une autodérision délectable en faisant de son double de cinéma un toxicomane lâche et brouillon en amour comme au travail. Parce qu'il choisit pour interpréter ses dialogues, d'une densité littéraire rare et précieuse, des acteurs aux voix atypiques qui chatouillent nos tympans des timbres les plus suaves aux plus graves pour notre plus grand plaisir. Slurp !

La région sauvage , Souris d'Or du film érotico-fantastique

Parce que son personnage d'effrontée magnifique. Parce son excitante tentaculairement sensuelle créature. Parce qu'à travers son voyage aux confins du fantastique et du fantasmatique, Amat Escalante nous offre une réflexion sur l'origine de la haine à l'égard des minorités sexuelles. Fascinant et passionnant à la fois.

Yourself and yours, Souris d'Or du film comico-féministe

Parce qu'à l'image de son héroïne, sous ses airs de divertissement léger, Yourself and yours est une satire profonde sur les catégories erronées qui empêchent les hommes et les femmes de se voir tels qu'ils sont au-delà de leur étiquette de genre.

Jours de France , Souris d'Or du film buissonnier

Parce que Jérôme Reybaud a la généreuse idée de réunir pour nous une palette d'excellents comédiens français d'ordinaire tristement plus présent à la scène qu'à l'écran, puis de leur offrir des textes de la plus fine facture, invitant chacun à inventer une vie qui lui convienne dans le petit coin de France qui lui plaira. Une belle diversité au service d'un bel éloge de la liberté, de la dignité et de la virilité, nom d'un Gavroche ! 

Entre 2 rives , Souris d'Or du film politique

Parce que si le cinéma s'essaie souvent à la parabole politique avec plus ou moins de subtilité, Entre 2 rives est un chef d'oeuvre du genre, dont le sens découle entièrement de sa construction pointilleuse. Parce que, cerise sur le gâteau, le regard empathique que Kim Ki-duk pose sur ses personnages nous permet d'être touché en même temps qu'édifié. Chapeau !  

Mate-me por favor , Souris d'Or du film sensualo-baroque

Parce qu'Anita Rocha da Silveira traite avec une grandiloquence cocasse de l'intrication des pulsions de vie et de mort, mais aussi des contradictions des marchands de religion. Parce que l'érotisme du regard gourmand de sa caméra en dit plus long sur le désir féminin que n'importe quel manuel. Parce que, contrairement à The Neon Demon qu'il rappelle parfois, Mate-me por favor ne bascule pas dans la cruauté aseptisée, mais persiste dans la vitalité baroque, se posant ainsi en sublime contre-point aux turpitudes de notre société.

              

* Section spéciale documentaire * 1336 jours, des hauts, débats, mais debout et Un paese di Calabria, Souris d'Or ex-aequo du film militant