UNE SÉRIE PAS COMME LES AUTRES.

Et si la plus grande œuvre audiovisuelle des années 2010 était un dessin animé irrévérencieux mettant en scène un grand-père alcoolique et un jeune adolescent un peu mièvre ? Diffusé sur Netflix France et AdultSwim aux USA, Rick And Morty est un conte philosophique voltairien trash qui propose une succession d’aventures fantastiques et fantasques à travers de multiples dimensions que n’auraient pas reniées un certain docteur anglais habitant dans une cabine bleue sur la BBC.

Cette œuvre véritable manifeste de contre-culture est l’œuvre de Don Harmon, créateur de Community (à découvrir absolument si ce n’est pas déjà fait) et Justin Roiland. Cette série qui compte plus de trente épisodes est produite par la chaine Adult Swim spécialisée dans l’animation trash à destination des adultes. En 3 saisons, Rick and Morty est devenue l’une des séries comiques les plus regardées par les 18-34 ans aux États-Unis malgré des débuts difficiles en termes d’audimat. Portée par la culture Internet, cette série a gagné un public toujours plus imposant au fil de ces histoires rocambolesques.

 

Mais au fait que raconte Rick and Morty ?

Rick Sanchez est un scientifique âgé qui a récemment renoué avec sa famille. Il passe le plus clair de son temps à entraîner son petit-fils Morty dans des aventures extraordinaires et dangereuses, à travers l'espace et les univers parallèles. Ajoutés à la vie de famille déjà instable de Morty, ces événements ne lui amènent qu'un surplus de stress, à la maison et au collège.

La série se caractérise par une animation d’une grande fluidité. À ce titre, elle se différencie de programmes comme South Park ou la technique est beaucoup moins mise en avant. Ses décors fourmillent de détails et sont uniques d’épisode en épisode à la différence de programmes plus lowcost qui réutilisent toujours les mêmes dessins. Mais au-delà de son esthétique de grande qualité, Rick and Morty devient au fil de ses épisodes une étude sociologique, un traité philosophique, une satire politique, et même un drame familial. De plus, à la différence de beaucoup de séries humoristiques, les auteurs étoffent d’épisode en épisode la psychologie de leurs personnages principaux, mais aussi secondaires, créent un monde d’une rare cohérence qui prend place dans un univers de science-fiction totalement déjanté.

 

LES ORIGINES

Rick and Morty est né de la rencontre de deux artistes, d’un côté Justin Roiland qui œuvrait dans des boulots alimentaires pour des chaines comiques et de l’autre côté Dan Harmon connu pour l’excellente série Community dont il était le showrunner (scénariste en chef d’une série). Harmon va se familiariser avec l’univers de Justin lors des Channel 101 (festival mensuel de films court prenant place à Los Angeles) qu’il organisait avec Rob Schrab.

Le principe de la manifestation était simple : proposer une fiction de 5 minutes pensée comme le pilote d’une série et la soumettre au vote des internautes. Roiland écrira plusieurs pilotes de séries dont un House of Cosby qui remportera plusieurs fois les faveurs des jurés 2.0 mais subira aussi le courroux des avocats de Bill Cosby. Le pitch de ce programme est tout simplement génial : un fan du Cosby Show (sitcom culte américaine) se met à cloner des dizaines de Bill Cosby pour vivre avec eux sous son toit. Malgré les déconvenues juridiques, les deux scénaristes ont appris à se connaître au sein du Channel 101 et décident de collaborer pour un programme court M. Sprinkle pour VH1.

L’année 2012 s’avérera primordial pour Rick and Morty. À cette époque, les relations sont tendues entre Dan Harmon et NBC sur la série Community. C’est le moment choisi par Adult Swim pour lui proposer de créer un dessin animé. Harmon est intrigué, mais n’est pas sûr de correspondre à l’humour trash du network. En effet, sa série Community s’inscrit plus volontiers dans le registre doux amer. Il pense alors Roiland dont les fictions de mauvais goût correspondent bien au public ciblé, et les deux hommes décident de créer une série à partir d’un court conçu par Justin et intitulé The real animated adventures of Doc and Mharti (disponible sur vimeo).

Ce programme lui avait été inspiré par ses déboires avec les avocats de Bill Cosby. Blessé, il voulait signer le programme le plus trash possible en parodiant un film connu et aimé par tous : Retour vers le futur. Néanmoins au fur et à mesure de la fabrication de l’animé, il tomba amoureux de ses personnages dont il faisait les voix et effaça un grand nombre de références liées au film culte de Zemeckis. Ce n’est donc pas un hasard si les hommes pensèrent à reprendre ce concept pour Rick and Morty qui est une remédiation beaucoup plus grand public de ce court trash. Les deux auteurs pitchent Rick and Morty à la chaine Adult Swim qui décide de se lancer dans l’aventure ! Rick Sanchez et Morty Smith étaient nés !

UNE SERIE PAS COMME LES AUTRES

Si à première vue Rick and Morty s’apparente à une parodie de Retour vers le futur, la série propose beaucoup plus que de simples allers-retours dans le temps. Version quantique du film de Zemeckis, Rick and Morty nous fait voyager dans un monde composé d’une multitude d’univers qui existent en parallèle.

Le spectateur à l’instar de Morty découvre par l’intermédiaire de Rick un espace-temps qui semble ludique au premier abord mais qui devient de plus en plus anxiogène, nous faisons réfléchir au sens profond de nos vies.

En employant le principe des monde parallèles, la série montre la futilité de nos êtres. Si nous existons dans de multiples dimensions, nous prenons conscience que nous ne sommes pas uniques. Cette fiction rompt avec l’individualisme exacerbé de la doctrine libérale américaine. En effet, notre personne que l’on chérissait tant est périssable voir inutile quand elle existe à l’infini. C’est notre relation à l’autre comme dans Community qui nous permet de dépasser cette angoisse existentielle. Le « je » ne peut exister sans le « nous » !

Même Rick ce savant génial et personnage tout puissant, semble avoir besoin des autres, puisque c’est son retour dans sa famille qui est le déclencheur de l’action de la série

UNE SIMPLE SÉRIE TRASH ?

Revenons justement sur les personnages de la série qui sont très éloignés de l’American way of life.

Nos Rick et Morty ne sont pas des anges, surtout le grand-père qui semble concentrer en lui tous les vices présents sur terre. Il détruit des univers, boit, manipule les autres... Morty plus humain en apparence que le patriarche, possède toutefois une moralité relative. On se rappelle ainsi de ces aventures coquines avec des robots reproducteurs où de son goût pour le sang dans l’épisode 9 de la saison 2 Qui est-ce qui purge, maintenant.

La série compte aussi des personnages secondaires tous admirablement bien écrits qui ne correspondent pas totalement au profil de la sitcom traditionnelle.

Nous avons ainsi la sœur de Morty, Summer dont la superficialité apparente dissimule les affres adolescentes, Jerry le père, présenté comme un salaud totalement égoïste ou enfin la mère Beth dont le questionnement existentiel devient effrayant lors de la troisième saison. Rick and Morty n’est donc pas une simple série trash. Car derrière l’ironie, les sentiments sont toujours présents. Derrières les rots, ou les blagues scabreuses, ce sont des êtres qui prennent vie sur nos écrans avec une réelle psychologie. Sans spolier la série, le dialogue entre Morty et sœur Summer, où il lui évoque les corps enterrés dans le jardin est absolument bouleversant. Cet échange entre les personnages témoigne d’un univers fictionnel assez unique ou les actes ont définitivement leurs conséquences comme le démontre la 3ème saison disponible depuis début novembre sur Netflix et sur laquelle nous reviendrons.

LE JEU DES RÉFÉRENCES

Les références sont nombreuses dans Rick and Morty, mais à la différence de nombreuses créations modernes, elles ne sont pas un simple appel du pied et intègrent parfaitement le récit. Que ce soit ces têtes géantes issues du film Zardoz dans Gazorpazorp Junior (épisode 7, saison 1) ou bien encore ces dessins psychédéliques venant du The Wall des Pink Floyd qu’on retrouve dans Prout, l'extra-terrestre (épisode 2, saison 2), leur intégration réussie dans l’histoire rend l’allusion dispensable pour la compréhension du récit.  Pour autant, la référence apportera aux initiés un sous-texte encore plus corrosif. Dans Prout, l'extra-terrestre, l’allusion aux Pink Floyd est ironique par rapport au Flower Power. Dans Gazorpazorp Junior, c’est une variation autour du principe de hiérarchie des sociétés humaines.

La série en synthétisant ses influences devient un concentré de la culture actuelle. Rick and Morty crée donc un objet unique où les auteurs n’utilisent pas leurs influences pour trouver des idées de scénarios ou plaire aux internautes mais pour enrichir leur univers.

UNE SAISON 3 EXCEPTIONNELLE

On attendait beaucoup de cette troisième saison. Le verdict est sans appel : c’est une réussite totale !

Ces nouveaux épisodes nous montrent un Morty dont l’admiration pour Rick est mise à l’épreuve. Les auteurs nous interrogent sur le statut de héros de Rick dont l’égoïsme destructeur le rend de moins en moins recommandable.  A ce titre, Troisième édition (épisode 4, saison 3), nous le représente sous les traits du psychopathe de la saga Saw.

Mais c’est surtout le segment Rick-ornichon (épisode 3, saison 3) qui synthétise le mieux ce questionnement. Le scénario qui met en scène un Rick transformé en cornichon est une violente charge contre l’instinct de supériorité du personnage. Nous rappelant ainsi que derrière l’intelligence de Rick, il y a un adolescent incapable de répondre de ses actes et qui préfère semer la mort que de parler à sa famille.

Dans cette saison, les auteurs montrent que le fantasme de toute-puissance de Rick qui plaisait tant au public a ses limites. À la différence d’un South Park où Cartman multiplie les gestes odieux sans avoir à subir les conséquences de ses actions, les auteurs de la série nous montrent que le comportement de Rick va conduire ses proches à s’éloigner de sa présence toxique pour se retrouver. De même, sans spoiler la série, l’ennemi ultime de Rick qui se dessine dans cette nouvelle saison n’est-il pas la conséquence de son inhumanité ?

La saison 3 est tout simplement un chef d’œuvre que je vous invite à voir le plus rapidement !

Mad Will

Une petite sélection (personnelle) de mes épisodes préférés. N’hésitez pas en commentaire à indiquer les vôtres !

Saison 1 épisode 5

La boîte à larbins / Meeseeks and Destroy

Jerry se plaint du fait que Morty passe trop de temps avec Rick au lieu de se rendre utile dans la maison. Rick confie alors à Jerry une « boîte à larbins » qui permet de résoudre tout type de problème. Libéré de ses obligations, Morty est donc libre pour partir à l'aventure mais cette fois, il exige d'être celui qui dirigera le cours des événements.

Saison 1 épisode 10

Rencontres du troisième Rick / Close Rick-Counters of the Rick Kind

Rick se fait pourchasser par ses soi des autres dimensions, et se dispute avec Morty.

Saison 2 épisode 2

Prout, l'extra-terrestre / Mortynight Run

Rick et Morty déposent Jerry pour la journée dans un établissement spécialisé, se rendent à un salon de jeux vidéo, mais Morty décide soudain d'empêcher l'assassinat d'un extra-terrestre télépathe.

Saison 2 épisode 6

Les Ricks sont tombés sur la tête / The Ricks Must Be Crazy

La soucoupe volante de Rick tombe en panne. Pour la réparer, Rick et Morty se téléportent dans la batterie, en réalité alimenté par une univers miniature créé par Rick. Summer reste dans le vaisseau et tente de rester en sécurité.

Saison 3 épisode 7

Confusion en Ricklantide / "The Ricklantis Mixup"

Rick et Morty se rendent sur l'île mythique de l'Atlandide. Pendant ce temps, sur la citadelle des Ricks, on découvre le quotidien mensonger et corrompu de la société. Chose que le candidat du parti des Morty va s'empresser de changer... d'une manière radicale.