Après avoir adapté et animé avec force et honneurs les livres illustrés de Gabrielle Vincent dans Ernest et Célestine (César du meilleur film d’animation 2013), Benjamin Renner adapte son propre univers de bande dessinée. Très inspiré par les Fables de la Fontaine et les Contes du Chat Perché, celui-ci se compose d’un bestiaire où chaque animal est associé à un caractère-type. De tout son travail, l’auteur a sélectionné trois historiettes : Un bébé à livrer, Le Noël parfait et Le Grand Méchant Renard. Il a confié l’animation des deux premières à son collègue Patrick Imbert, qui s’est dernièrement distingué par son développement des personnages du rétro-futuriste Avril et le monde truqué. Benjamin Renner s’est ainsi focalisé lui-même sur Le Grand Méchant Renard, dans lequel il développe un hilarant détournement des stéréotypes.

   L’astucieux scénario de cette fable centrale se base sur une propriété bien connue des spécialistes du comportement ornithologique, « l’imprégnation », qui veut que le premier être vivant que perçoit un oisillon au sortir de l’œuf devienne la figure d’attachement primaire qu’il suivra ensuite partout afin d’évoluer vers le stade adulte en l’imitant. Konrad Lorenz, le père de l’éthologie, se servait sciemment de ce phénomène pour mieux étudier les oies qu’il chérissait. Dans Le Grand Méchant Renard, c’est évidemment par inadvertance qu’un gentil petit renard devient la « mère » de trois poussins, alors qu’il remplit une mission de vol d’œufs pour le redoutable loup. D’abord rétif à assumer un rôle auquel il n’est pas préparé, le renard se laisse attendrir et est bientôt conduit, pour rassurer sa marmaille ultra vulnérable, à prétendre qu’en tant qu’enfants du Grand Méchant Renard ce sont eux qui effraieront tous les autres animaux. Prenant ce mensonge pour la réalité, les poussins hauts comme trois pommes vont innocemment développer des attitudes agressives et dominantes envers leurs prédateurs et faire ainsi exister des situations délicieusement décalées. Au-delà de cette veine comique, les vicissitudes de la petite famille improbable renvoient à de nombreuses questions identitaires et pédagogiques qui parleront qui aux petits, qui aux grands spectateurs. Par conséquent, on peut donc dire que Le Grand Méchant Renard est une nouvelle réussite de l’animation française, à voir seul ou à partager en famille !

F.L.