Alors que son fils est entre la vie et la mort, Félicité (Véro Tshanda Beya) arpente Kinshasa de part en part à la recherche de l’argent qui paiera l’hôpital. Epuisée par cette épreuve, elle finit elle-même par hésiter entre continuer à affronter les éclats du monde ou bien retourner à la nuit. Point de bascule de sa renaissance, le regard bienveillant que Tabu (Papi Mpaka) pose sur elle.

Félicité, avec sa narration diffractée, sa bande sonore parfois stridente, son image volontiers chaotique, est le reflet fidèle de l’atmosphère vibrante de la capitale congolaise. Aux antipodes du film commercial, le dernier film d’Alain Gomis est également empreint d’un spiritualisme africain exotique à nos consciences de septentrionaux. Avec des images crues mais jamais voyeuses, il filme la violence qu’affronte à Kinshasa sa mère-courage de protagoniste. Assumant une esthétique radicale, fondée sur une opposition entre des plans ténébreux et d’autres éblouissants, Alain Gomis ne facilite pas la vie du spectateur, mais à cette condition il lui laisse de la marge pour prolonger intérieurement le voyage auquel il l’invite. C’est en effet à une exploration de « l’étrangeté à soi-même » que nous convie le réalisateur franco-guiné-bissau-sénégalais, qui souhaite retranscrire par l’image le « mouvement perpétuel entre la démission, le scandale et la réconciliation avec la vie ». Au-delà, il commet un geste politique d’importance en filmant des petites gens qui retrouvent la lumière non pas en fuyant leur milieu mais en se ré-ancrant en eux-mêmes. 

Florine Lebris