Phase IV est un film très déconcertant. Non par son sujet ou son scénario, somme toute assez classiques, (des hommes aux prises avec des créatures hostiles) mais par sa forme.

En effet l’art de Saul Bass, rappelons-le, graphiste de formation, se retrouve notamment dans le traitement des couleurs qui en fait une curiosité cinématographique très agréable à regarder. D’autre part, le spectateur passe sans cesse d’un monde de fourmis avec des vues sous microscope, au monde des hommes bourré de technologie (joyeusement vintage à nos yeux de 2017) mais dont les composants électroniques ne sont pas sans rappeler par leur taille le monde des êtres hostiles. Et c’est d’ailleurs à cette électronique que s’attaqueront les fourmis, douées d’intelligence dans ce film. Il y a manifestement volonté de brouiller les repères, les fourmis bâtissant de grandes tours alors que les humains construisent de petits mécanismes. De la même façon la relation extérieur/intérieur est sujette à des aller-retours perturbant le spectateur dans son analyse de l’espace du cadre, d’autant plus que nous visionnons l’extérieur le plus souvent à travers des écrans…

Le scénario laisse place par contre à de nombreux stéréotypes, le savant fou, la jeune fille rescapée, la technologie qui lâche, la blessure qui dégénère, l’angoisse qui monte, le sacrifice héroïque, bref nous retrouvons tout ce qui peut exister dans un film de ce genre, y compris les invraisemblances du scénario. Mais nous ne faisons même pas attention à ses faiblesses, envouté que nous sommes par la mise en scène et la sublime image que nous livre Saul Bass. De plus, le scénario trouve grâce à nos yeux par une fin assez inattendue qui remet le film en perspective. Mais je n’en écrirai pas plus ne voulant pas divulgacher ce qui s’apparente à une vraie réflexion sur la science et l’intelligence.

 Le plus intéressant serait donc, à l’instar de Premier Contact (sorti en 2016), et plus de 40 ans avant, la recherche de communication entre les deux espèces.

Un film unique donc, à tout point de vue, car il s’agit du seul long métrage du réalisateur.

Une très plaisante curiosité.

T.K.