Alors que le néoréalisme dominait le cinéma italien de l'après-guerre, séduisant les cinéphiles et les festivals du monde entier, le versant populaire du 7ème art italien fut à l’aube des années 50 incarné par Riccardo Freda. Ses réalisations inspirées de la mythologie et de la littérature démontraient une remarquable polyvalence en passant aisément du péplum au film de cape et d'épée, voire au mélodrame. Pour Freda, le cinéma était une forme d'illusion, et parler de réalisme lui semblait dénué de sens, car dès que la caméra se mettait en marche, une recréation du réel avait lieu.

Maître du lyrisme et virtuose de l'ellipse, cet amateur de récits feuilletonnesques aura créé des œuvres riches en actions et rebondissements, pensées avant tout pour divertir son public. Il aura également joué un rôle essentiel pour relancer certains genres cinématographiques qui étaient tombés dans l'oubli. On pense à son péplum Spartacus qui participa à la résurrection du genre, ou bien à son Vampires, œuvre matricielle du cinéma fantastique gothique italien.

Dans Maciste en enfer, réalisé en 1962 et inspiré d'un classique du muet du même nom datant de 1926, l'auteur démontre une fois de plus sa capacité à transformer un budget famélique en une production de série B d'apparence coûteuse. Le cinéaste italien nous offre pour notre plus grand bonheur un péplum qui se déguste comme un livre d'images, où l'action s'enchaîne sans qu'on ait besoin de se poser trop de questions. Freda, confiant dans ses talents de conteur, n'hésite pas à introduire un personnage tel qu'un Maciste en jupon au 16e siècle, faisant de son personnage principal un superhéros avant l’heure, traversant les continents et les époques pour notre plus grand plaisir de spectateur.

La force du cinéma de Riccardo Freda réside dans sa capacité à fusionner des éléments triviaux, comme le protagoniste musclé qui lance des pierres en polystyrène, avec une culture plus noble, qu'elle soit littéraire, empruntée à la mythologie, ou picturale. Avec l'aide précieuse de son directeur de la photographie, Riccardo Pallottini, Freda s'inspire visuellement de Jérôme Bosch pour créer des scènes où rôdent les damnés. Quant à l'éclairage sublime des séquences infernales, il semble venir des œuvres de Gustave Doré. Une maîtrise visuelle qui nous ferait presque oublier que la plupart des plans ont été tournés dans les mêmes trois cavernes ! De surcroit Maciste en enfer abuse de plans issus des précédents films mettant en scène le héros bodybuildé. En se dispensant de dialogues, comme c'est le cas dans la plupart de ses longs-métrages, les effets spéciaux souvent approximatifs du film passent rapidement au second plan, car nous sommes happés par le souffle de l’épopée. Il convient d'ajouter à l'attrait du film la présence de la magnifique Hélène Chanel dans le rôle de la sorcière, qui nous rappelle à quel point les héroïnes des films italiens étaient d'une beauté à couper le souffle.

En fin de compte, Maciste en enfer est symptomatique d’un cinéma de genre italien, qui réussissait à imiter Hollywood malgré des ressources financières limitées, grâce à l'inventivité de ses techniciens et la richesse de la culture européenne. Bien qu'il ne soit pas aussi marquant qu'un Hercule contre les vampires, où Bava démontrait une maîtrise visuelle époustouflante, ce Maciste rappelle combien Freda était un artisan talentueux. On peut aisément comprendre l'affection que lui portait Bertrand Tavernier, qui le remplaça au pied levé sur le tournage de La fille de d'Artagnan.

Réjouissant tout simplement.

Mad Will