Dans Le théorème de Marguerite, la réalisatrice Anna Novion dresse le portrait saisissant d'une brillante mathématicienne dont les certitudes vont s’effondrer du jour au lendemain suite à une erreur de raisonnement dans la thèse qu'elle propose. Incarné magnifiquement par Ella Rumpf (l'Alexia de Grave ), Marguerite doit alors changer son point de vue sur le monde qui l'entoure. Un film qui fait aimer les maths même à celles et ceux qui les détestent.

La critique :

Dans le documentaire d’Olivier Peyon Comment j’ai détesté les Maths, nous avions découvert un Cédric Villani en chaussettes. Dans Le théorème de Marguerite, la fiction d’Anna Novion, Marguerite, personnage principal, se déplace, elle, en chaussons. Le clin d’œil s’interprète comme le fait que cette brillante élève de l’École Normale Supérieure mériterait, comme son modèle, d’être récompensée par la Médaille Fields, l’équivalent du prix Nobel pour les mathématiques.

Choisir une femme pour incarner le personnage d’une scientifique, c’est aller à l’encontre du cliché qui voudrait que les sciences « dures » soient la chasse gardée des hommes. Ainsi Marguerite doit combattre les préjugés pour se faire une place dans un monde masculin. Encore plus qu’un homme, elle doit montrer qu’elle est la meilleure pour « mériter » sa place.

Marguerite aime les maths, elle adore les maths, presque au sens propre, elle les a en passion, bref, elle ne vit que pour elles, et, dans cette matière, elle fait des étincelles. Alors, quand la thèse qu’elle devait prochainement soutenir s’avère contenir un défaut de raisonnement, c’est pour elle une catastrophe absolue.

Après une courte introduction pour poser le personnage et le coup de tonnerre qui va bouleverser sa vie, le film s’attache à montrer comment Marguerite réagit.

Anna Novion décrit un personnage désemparé, prêt à prendre la décision radicale de tout abandonner, mais qui se heurte à un monde qui, avouons-le, est parfois, si ce n’est souvent, fort étrange. La mathématicienne est d’autant plus en décalage avec le monde « réel » que son obsession pour sa matière l’empêchait jusqu’à présent d’avoir les préoccupations des jeunes de son âge. Pas d’amis, pas de sorties... De plus, le monde des sentiments étant par essence irrationnel, il était incompatible avec le monde fait de pure logique mathématique qu’elle s’était construit. Elle doit donc s’ouvrir à son environnement, en comprendre les règles pour retrouver finalement un comportement habituel d’être humain.

Si le film s’arrêtait là on le trouverait à juste titre caricatural. Mais il n’en est rien. Marguerite dont le cerveau reste encore en ébullition permanente, n’oublie pas tout de sa vie antérieure et de son brillant parcours de mathématicienne. Perdue par les maths, pourra-t-elle être sauvée par les maths ?

J’allais oublier, Marguerite n’est pas seule dans le film, Anna Novion brosse aussi le portrait d’autres personnages. Mais même si ceux-ci sont très travaillés et que les acteurs qui les incarnent (Jean-pierre Daroussin en directeur de thèse frustré, Julien Frison en jeune ambitieux et Sonia Bonny en passionnée de danse) font preuve d’un jeu de grande qualité, désolé pour eux, la prestation hors norme d’Ella Rumpf les éclipse tous.

Concluons donc sur l’amour des maths, ou l’amour tout court, sait-on jamais ? en espérant que ce film provoquera des vocations de mathématiciennes chez les jeunes filles. Notons au passage que les équations écrites dans le film sont toutes authentiques. Rappelons-nous l’engouement pour les échecs à la suite de la mini-série Le jeu de la dame ! Passionnées, à vos marques !

Laurent Schérer

La bande-annonce :