Une femme sur le toit de la réalisatrice polonaise Anna Jadowska est un film très émouvant qui dresse le portrait d'une femme qui a perdu ses repères, empétrée dans une histoire dont elle ne sait pas se sortir. La cinéaste nous présente un personnage presque fantomatique dans un monde où les couleurs délavées de la photographie accentuent encore sa désorientation.

La critique :

Une femme sur le toit de la réalisatrice polonaise Anna Jadowska nous présente un monde diffus et morne où le quotidien des personnages sera bousculé par un fait extraordinaire, au sens premier du terme.

Mirka (étonnante Dorotra Pomykala), sage-femme, a travaillé toute sa vie pour subvenir aux besoins et au confort (relatif) de sa famille. Le choix de mettre en avant une femme de 60 ans comme héroïne n’est pas si courant et rien que cela nous inciterait à aller voir ce film. Dans les premières images, nous la voyons sur un toit, s’approchant du bord. Au dernier moment, elle renonce à sauter.

Empêtrée dans une histoire de dettes dont on apprendra peu à peu les causes, incomprise par son mari, devant se séparer de son fils qui part poursuivre sa vie en Angleterre, et ne pouvant visiblement se reposer sur personne pour discuter de ses problèmes, Mirka prend la décision la plus extrême : braquer la caissière d'une banque avec un couteau. Il est évident que cette action ne fera qu'aggraver sa situation, au lieu de l'améliorer.

La palette de couleurs souvent délavées de l’image, des uniformes vert pâle de la maternité où elle travaille aux yeux bleus presque transparents de Mirka, crée une atmosphère de trouble. Ces choix de photographie nous dépeignent un monde fantomatique dans lequel le personnage principal ne serait qu’un reflet presque invisible.

Est-ce qu’Anna Jadowska nous signifie par là que la société polonaise est elle-même en pleine dépression ? Ou la réalisatrice cherche à mettre en scène de façon quasi documentaire une histoire « inspirée de faits réels » ? Surement un peu des deux. Mais son intention avouée est surtout de mettre en évidence le parcours d’une femme qui a toujours agi pour le bien de son ménage, qui s’est dévoué à sa famille, mais qui n’a jamais pu partager la charge mentale et financière de la conduite du foyer. Cette absence de communication la conduit donc dans une impasse dont elle ne peut même pas imaginer comment en sortir. Jamais au cours de sa vie elle n’a pu, su, voulu, exprimer ce dont elle avait besoin.

Pourtant le déclic se produit et Mirka se révolte, d’abord contre elle-même parce que de son point de vue, imagine -t-on, elle a failli à sa mission, d’où la tentative de suicide. Puis on la sent prendre conscience petit à petit qu’elle a le droit aussi d’avoir des sentiments et d’interagir avec son environnement.

Il en ressort alors un film certes assez déprimant, mais très émouvant si l’on se donne la peine de ressentir de l’empathie pour la femme dont Anna Jadowska dresse ici le portrait.

Laurent Schérer

La bande-annonce :