Suivant une démonstration froide et implacable, le film Club Zéro de la réalisatrice autrichienne Jessica Hausner critique le comportement sectaire, capable de perturber puis d’endoctriner des personnes fragiles. Un film que l'on peut estimer cynique, mais qui à nos yeux revêt la forme d'une fable contre les excès en tout genre.

La critique :

La fiction Club Zéro de la réalisatrice autrichienne Jessica Hausner critique le comportement sectaire, capable de perturber puis d’endoctriner des personnes fragiles. Sa démonstration est froide et implacable, au point que la réalisatrice elle-même ainsi que la commission de censure déconseillent le film aux personnes sensibles. En outre, celles-ci pourraient être tentées, dès le début du film, de s’identifier aux personnages et se laisser entrainer au jeu de la manipulation.

C’est le principe inhérent à une secte ou à un discours complotiste : faire croire à des gens des choses invraisemblables auxquelles ils s’attachent envers et contre tout et qui finiront par détruire leur vie.

Comment en arrive-t-on à un tel résultat ? Jessica Hausner nous livre une méthode tout sauf secrète, mais parfaitement huilée : commencer par énoncer des faits vrais et vérifiables, reposant sur des certitudes déjà acquises et partagées par le groupe, puis entrainer progressivement ce dernier vers des éléments de moins en moins plausibles, mais auxquels les gens croient néanmoins, ayant été mis en confiance par un gourou charismatique.

Dans Club Zéro le thème choisi par la réalisatrice est la nourriture ; le lieu : un lycée ; les victimes : un groupe d’élèves ; le gourou manipulateur : Miss Novak, la prof de nutrition spécialiste en « alimentation consciente » (Mia Wasikowska, glaçante dans ce rôle) ; le constat : le monde occidental surconsomme et gaspille de la nourriture pourtant essentielle au reste du monde (la « malbouffe » souvent dénoncée à juste titre), les nutritionnistes recommandant en effet de manger mieux et moins.

Partant de cette vérité, Miss Novak amènera un certain nombre de ses élèves à partager une maxime totalement délirante : il est possible de jeûner à perpétuité, éludant le fait que par exemple les grévistes de la faim meurent, finissent par se réalimenter au bout d’un moment, ou sont perfusés contre leur gré. Le chemin conduisant de la vérité au mensonge se fera par des étapes soigneusement choisies par l’enseignante dans des séances, mâtinées de méditation transcendantale, conduisant ses élèves dans un élan destructeur.

Le film est intéressant en raison de son étude approfondie des effets de la manipulation, mais aussi, peut-être même davantage, en raison des réactions des camarades, des parents, et des enseignants. En effet, ceux-ci ne semblent pas beaucoup plus doués que les victimes pour se rendre compte de ce qu’il se passe et lutter efficacement contre la manipulatrice. Les signaux d’alerte sont pourtant nombreux, mais le plus souvent négligés par l’entourage. La réalisatrice accorde ainsi une grande attention aux couleurs et aux décors, qui symbolisent un lieu d'apprentissage déshumanisé, ce qui en dit long sur la thématique du film. Ainsi, Club Zéro ne se limite pas à la seule dénonciation des pratiques sectaires, mais devient une fable universelle sur les relations humaines et l’attention que nous devons porter à notre entourage.

On peut donc interpréter ce film de deux façons : un film cynique et vomitif (au sens propre euh, plutôt sale) ou comme une fable sur l’excès sous toutes ses formes, en trop ou en moins. Question d’équilibre tout simplement.

Laurent Schérer

La bande-annonce :