Vera de Tizza Covi et Rainer Frimmel met en scène la quête d'émancipation de Vera Gemma dont le statut de "fille de" pèse sur les épaules. Un film touchant sur un personnage hors du commun qui a trop longtemps laissé les autres décider pour elle-même.

La critique :

Vera suit largement le procédé utilisé par les cinéastes Tizza Covi et Rainer Frimmel dans leur précédente fiction (Il y a eu un documentaire entre les deux), Mister Universo. En effet, contrairement à l’avertissement habituel « toute ressemblance avec des personnes ayant réellement existé ne saurait être que fortuite » ici les actrices ont bien le nom qu’elles possèdent dans la vraie vie. Pourtant il ne s’agit pas d’un biopic mais bien d’un film de fiction dans lequel les lignes sont floues. En effet, si les faits relatés sont la plupart faux, on ne peut s’empêcher de penser que certaines réflexions et émotions des actrices sont nourries par leurs propres expériences personnelles.

La Vera du film est en proie à une profonde remise en question. Elle en a assez de vivre une vie que ses géniteurs et son nom lui ont imposée : une vie luxueuse et frivole sous le feux des projecteurs grâce à son père, un acteur célèbre, obsédé par la beauté, en commençant par la sienne . Lasse des réceptions, de la recherche sans fin de la dernière mode ou des retouches de chirurgie esthétique obligatoires pour accéder aux canons tant convoités de la beauté, Vera souhaite changer de vie et d’entourage. En effet, jusqu’à présent, chaque personne qu’elle côtoie, y compris son compagnon Gennaro (Lillio) s’ingénie visiblement à la désigner comme « fille de », et/ou cherche à profiter de son aura et de son argent. Mais changer de vie, même à l’âge de raison, est compliqué pour une femme qui ne connait visiblement que peu de choses de la « vraie vie » qu’elle souhaite embrasser. Elle s’en ouvre à sa sœur et à Asia Argento, elles aussi « filles de » mais qui semblent en revanche avoir elles la tête mieux fixée sur leurs épaules.

Le scénario est à l’image des intentions de ce personnage, emporté  par ses envies de changement et ses rencontres le plus souvent malheureuses. On ne peut donc s’attendre ici à une histoire bien structurée, bien que le fil conducteur soit là : la tentative « d’adoption » d’un jeune garçon de 10 ans victime d’un accident causé par son chauffeur. Cette situation servira surtout de prétexte pour permettre à Vera de découvrir un autre monde dont elle ne connait forcément pas les codes.

Il en ressort alors un film original centré sur un personnage principal attachant dans ses errements, que l’on regarde évoluer, se laisser tromper et se tromper lui-même sur ses sentiments, mais qui malgré tout reste digne, en possession d’une énergie cachée et d’une volonté renouvelée de mener sa vie comme il l’entend, faisant fi de toutes ses déconvenues.

Le film explore principalement cette lutte, celle d'une femme qui n'est pas une héroïne et qui n'est pas fondamentalement malheureuse, mais qui a trop longtemps laissé les autres décider pour elle-même.

Laurent Schérer

La bande-annonce :