Polaris, de la réalisatrice espagnole Ainara Vera est un film documentaire intense, sensible, passionnant, souvent poétique, qui fait le récit d’Hayat, capitaine de navire au Groenland, qui, malgré les vicissitudes, trouve l'énergie d'avancer, sur l’eau comme dans la vie.

La critique :

Dans son film documentaire Polaris, la réalisatrice espagnole Ainara Vera suit une jeune femme originaire du sud de la France, Hayat Mokhenache, capitaine de navire au Groenland quand accouche sa sœur cadette Leila. À l’aune de cet événement, Hayat se remémore des instants de sa propre enfance. Mise au monde par une mère toxicomane, elle a été placée ainsi que sa sœur en famille d’accueil. Les moments de communication avec sa mère ont donc été des plus rares. Elle souhaite alors à sa nièce d’avoir une enfance plus heureuse que celle de sa mère et de sa tante afin de « briser la malédiction de la famille Mokhenache ».

Tout en naviguant dans les eaux froides groenlandaises, ce qui permet à la caméra de la réalisatrice de capter de superbes images, Hayat déroule son récit de vie. Elle raconte comment elle doit faire sa place et se faire respecter de l’équipage et des passagers, en tant que capitaine et femme d’un mètre soixante. Le plus souvent dans des zones blanches (au propre comme au figuré), réduisant les communications avec sa sœur à quelques épisodes.

Le film nous plonge dans un combat incessant contre une nature hostile, avec le froid, l'humidité, le brouillard et les icebergs comme adversaires, tandis qu'Hayat se méfie du monde des humains et se trouve en lutte avec sa propre nature, qui la pousse vers la solitude.

Mais paradoxalement cette nature hostile se révèle aussi par moment de toute beauté, et le contact avec les humains peut aussi être des plus chaleureux. Le film met ainsi en évidence l’ambivalence d’une femme qui se construit contre son passé, ne se donnant que rarement le droit d’être heureuse et envisageant difficilement l’avenir.

La naissance de Leïla devient alors un déclencheur qui permet à Hayat de trouver une certaine sérénité en surmontant le sentiment d'inutilité qui la taraude.

Il en ressort un film sensible, passionnant, souvent poétique, qui fait le récit d’une âme tourmentée par le sort, mais capable de trouver en elle l’énergie nécessaire pour continuer à avancer, sur l’eau comme dans la vie.

Un film très intense.

Laurent Schérer

La bande-annonce :