Le réalisateur autrichien Stefan Ruzowitsky nous offre avec "Hinterland" un film noir original où le décor peint symbolise une société viennoise déséquilibrée, dans les constructions comme dans les esprits, à l'aube des années 1920.

La critique :

Le réalisateur autrichien Stefan Ruzowitsky nous offre avec Hinterland un film noir original. Il fait évoluer ses personnages dans la Vienne des années 1920, devant un décor peint, technique utilisée en son temps par Éric Rohmer dans L’anglaise et le Duc. Mais à la différence de ce dernier film, les décors d’Hinterland ont été peints après, s’adaptant au jeu des acteurs préalablement filmés sur fond bleu. La capitale autrichienne est ainsi montrée composée d’immeubles de guingois où rien n’est vraiment vertical ou horizontal. À la manière du Cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene, le décor symbolise alors une société déséquilibrée, les constructions comme les esprits, où tout va de travers, et dans laquelle s’affronte les nostalgiques de l’empire austro-hongrois, les soutiens des bolchéviques, les nationalistes et autres antisémites, et le corps de la police, souvent dépassé par les évènements.

C’est dans ce cadre que se déroule une série de meurtres dont les victimes sont d’anciens combattants récemment rentrés d’un camp de prisonniers d’URSS. Ces soldats partis en héros, défenseurs de l’empereur et de l’empire, reviennent après la défaite en parias car la nouvelle société, qui se cherche un avenir, souhaiterait effacer ces stigmates du passé. L’un d’entre eux, Peter Perg, (Murathan Muslu) lui-même un ancien policier, se retrouve aux premières loges pour élucider cette série de crimes. Le réalisateur nous entraine alors dans les basfonds de la très jeune république autrichienne pour une enquête haletante.

Sur la forme, le réalisateur emploie les clairs-obscurs et joue clairement la carte de l’expressionnisme. On pardonnera ainsi les rares moments ou la recherche de plans esthétiques vient perturber la cohérence de la scène, le rendu étant tout simplement magnifique. On est très vite englouti par le décor, le spectateur étant en quasi-immersion dans les rues de la ville peinte. L’effet produit est remarquable, la noirceur de la ville et des âmes venant renforcer le sentiment de trouble et l’angoisse initiés dès le premier plan par la mort d’un soldat lors de son retour à Vienne.

Au final, un thriller très original et angoissant à découvrir en salles.

Laurent Schérer

La bande-annonce :