Butterfly vision du jeune réalisateur ukrainien Masksym Nakonechnyi est un film qui raconte la vie brisée de Lilia, une jeune femme ukrainienne capturée et torturée par les séparatistes du Donbass. Parce que chargée du renseignement aérien et pilote de drone, elle est surnommée Butterfly par les membres de son unité.

La critique :

Paradoxalement, rien n’est clair dans sa vision des choses, ou plutôt rien ne le sera plus après les mois de détention qu’elle a subis dans les geôles séparatistes. À commencer par sa capture alors qu’elle aurait dû être protégée par son mari avec lequel elle s’est unie au front. Sa conscience vacille, ébranlée par des flashs liés à son traumatisme, flashs souvent traités de façon onirique par le réalisateur. Elle se rend alors compte qu’elle ne peut plus réfléchir sereinement à sa vie, celle de sa famille, à son avenir et celui de son peuple. Cela se traduit en particulier dans ses hésitations à garder ou non le fœtus consécutif aux viols subis lors de sa détention. Mais son trouble ne se lit pas que dans et sur sa chair. En effet, elle remet en cause les liens qui l’unissent à son unité et en particulier à son mari ultra nationaliste. Le film décrit alors la dérive du couple consécutivement à la tragédie qui l’atteint et à la perte de ses repères.

Pourtant Lilia fera tout pour garder intacte son humanité, refusant de se laisser instrumentaliser, en particulier par les réseaux sociaux. Elle cherchera avant tout  à comprendre comment son inconscient a finit par entrer en conflit avec ses aspirations afin de pouvoir prendre les meilleures décisions. Ce sera pour elle un autre combat, intérieur celui-là, mais peut-être pas le moins difficile.

Porté par la magnifique prestation de Rita Burkovska qui incarne Lilia, ce film terrible démontre encore une fois que la guerre laisse des traces profondes dans les corps et les consciences et que nul n’en réchappe sans dommage. Tourné avant l’invasion de l’Ukraine par les Russes, ce film en a maintenant encore plus d’importance.

Laurent Schérer

La bande-annonce :