Familier de l’Algérie et des Algériens (La trahison, Samia, Fatima, Amin), le réalisateur Philippe Faucon s’intéresse dans son nouveau film de fiction aux harkis, ces Algériens qui avaient choisi le camp de la France lors de la guerre d’indépendance qui s’est déroulée entre 1954 et 1962.

La critique :

Son long-métrage, qui évoque un conflit complexe, ne tente pas d’attribuer les rôles du méchant et du gentil, ni même de distribuer des points entre les deux camps, mais s’essaye à comprendre ce qui a pu motiver certains Algériens à prendre les armes auprès de la France contre leurs compatriotes qui souhaitaient l’indépendance. Il ne s’agit pas non plus d’un film historique qui voudrait relever d’une façon exhaustive toutes les nuances des parties en présence à l’aide de témoignages ou d’images d’archives, mais bien de retrouver par la fiction le cheminement de ces hommes, les raisons de leur engagement, et comment ils ont été traités, pendant la guerre et après celle-ci.

Le cinéaste suit ici un bataillon de supplétifs, depuis leur enrôlement jusqu’à la démobilisation. Il analyse leurs convictions, décrit les événements qui ont suscité leur engagement. Ce sont souvent des exactions du F.L.N. contre leurs proches ou parfois des raisons purement financières. Il inspecte leur foi, leur courage, leurs peurs, leurs doutes et leurs désillusions. Sans évacuer les exactions qui ont eu lieu d’un côté comme de l’autre, le réalisateur s’attache avant tout à mettre en scène des personnages convaincus, souvent sincèrement, parfois par obligation, d’être du bon côté. Il s’agit d’analyser un groupe, qui, même si ses membres se sont retrouvés là pour des raisons diverses, forme un bloc qui en subira à ce titre et uniformément les errements de la politique française.

Ce que révèle le réalisateur par une mise en scène abrupte où les plans majoritairement fixes se succèdent souvent sans transition et sans apport de musique additionnelle, c’est le côté quasi inéluctable de la tragédie. Par le biais d’un montage habile mettant en relation des scènes clef du cycle action /réaction, et grâce à des acteurs dont les visages expriment une haute intensité d’émotion, ce film permet au spectateur de comprendre comment le discours peut être parfois un barrage contre le doute qui assaille les personnages. Il relève aussi et surtout l’instrumentalisation de ces hommes par un mensonge à grande échelle qui s’appuyait sur une propagande qui niait toute possibilité de victoire du F.L.N. alors que les pourparlers étaient déjà en cours au plus haut niveau.

Indispensable devoir de mémoire, ce film éclairant est l’un des rares qui prennent le point de vue de ces soldats, pris au piège de la guerre et considérés comme des traitres par les autres algériens. Négligés au final, si ce n’est rejetés, les harkis auront été dupés par le pays qu’ils avaient choisi comme mère patrie.

Laurent Schérer

La bande-annonce :