Leila et ses frères, le nouveau film de Saeed Roustaee qui nous avait fait forte impression avec La loi de Téhéran, est une passionnante saga de près de trois heures qui passe comme dans un souffle, à ne pas manquer au cinéma.

La critique :

Il y a du Parrain dans Leila et ses frères, le nouveau film de Saeed Roustaee qui nous avait fait forte impression avec La loi de Téhéran. Si son polar précédant nous rappelait par moment le Friedkin de French Connection, son nouvel opus est une fresque familiale à la Coppola où tous se déchirent, se retrouvent et se déchirent à nouveau. Nous avons donc le droit ici à la désignation d’un nouveau parrain et des luttes pour l’honneur et le besoin d’argent.

Leila (magnifique interprétation de Taraneh Alidoosti) est la cadette d’une famille de cinq enfants. Parmi ses quatre frères il y a le gros, le fier-à-bras, l’escroc et le peureux. Le cerveau est tout simplement Leila qui semble être celle qui pourra les sauver tous. Figure féminine et féministe, Leila incarne à elle seule la volonté de changement. Mais face à des êtres vaniteux, ou simplement stupides, son rôle de meneuse ressemblera plus à celui d’une Cassandre. C’est en effet elle qui par sa force de caractère cherchera toujours à convaincre ses frères et ses parents d’agir pour le bien commun. Mais les événements vont se précipiter sans que les autres membres de la famille parviennent à prendre conscience que le chemin pris les amène à leur perte.

Ainsi, l’intelligence de Leila ne semble pas pouvoir porter ses fruits dans un pareil contexte. Le père est en effet un avare égoïste, autoritaire et vaniteux, désirant plus que tout être désigné comme parrain en remplacement de Gohlam, son cousin qui vient de mourir. Une désignation qu’il perçoit comme une revanche sur le reste de la famille qui l’a toujours méprisé, lui et sa descendance. Mais parce que les honneurs s’achètent, il a besoin d’argent. C’est le même besoin qu’ont ses enfants, chômeurs ou arnaqueurs à la petite semaine. Bref à plus de quarante ans aucun ne semble avoir un emploi stable qui lui assurerait une retraite et une famille. Le seul qui se démarque, hormis Leila, est le frère ainé qui est employé dans une galerie marchande pour nettoyer les toilettes. Ce déclassement lui a cependant permis de fonder un foyer.

La famille autour de Leila est une métaphore la société iranienne montrée comme violente et dans laquelle la débrouille n’est jamais loin de l’escroquerie, à petite ou à grande échelle. On ne s’entretue pas comme chez Coppola, seules quelques claques fusent, mais on sent une tension permanente dans les dialogues et les comportements. Le manque d’argent n’y est pas étranger, cependant c’est surtout la figure du patriarche et le respect absolu des traditions qui mettent de l’huile sur le feu dans un microcosme où sont mises en avant des convictions rétrogrades. « Il faut de la réflexion, dit Leila, c’est ce qui manque dans cette famille ». De là à y voir un message politique, le spectateur est laissé libre de son choix.

Directeur d’acteur hors norme, il faut l’être pour diriger si justement cette famille très nombreuse, Saeed Roustaee confirme ici son talent de réalisateur. On pense d’emblée à la splendide scène d’introduction qui met en scène une évacuation mouvementée d’une usine avec une figuration très importante. En matière de découpage ou de gestion de l’espace, une scène d’anthologie comme on en voit peu actuellement !

Une passionnante saga de près de trois heures qui passe comme dans un souffle.

À ne pas manquer au cinéma

Laurent Schérer

La bande-annonce :