Loving Highsmith est un documentaire passionnant de la réalisatrice Eva Vitija qui s’attache à un aspect particulier de la vie intime de l’écrivaine Patricia Highsmith qui aimait les femmes.

La critique :

Il est difficile de résumer en 83 minutes la vie et l’œuvre d’une auteure célèbre comme Patricia Highsmith. C’est pourquoi, comme le titre Loving Highsmith le sous-entend, la réalisatrice Eva Vitija s’attache à un aspect particulier de la vie de l’écrivaine, le plus méconnu certainement, celui de son homosexualité. Grâce aux extraits des journaux intimes de la romancière, le film nous offre un captivant portrait de cette auteure  populaire qui fut une source de scénarii pour de grands réalisateurs, en premier lieu Alfred Hitchcock qui adopta son premier roman L’inconnu du nord-express.

Nous découvrons ainsi dans le film Patricia Highsmith s’exprimant sans filtre, parlant français ou anglais en fonction de la langue de son interviewer, mais semblant toujours se confier sans retenue au sujet de l’élaboration de ses écrits.Ces interviews, complétées par les précieux témoignages de sa famille, mais surtout de ses très nombreuses amies et amantes, en particulier Marijane Maeker, Monique Buffet et Tabea Blumenschein, dressent un portrait radicalement différent de ce que les livres de Patricia Highsmith laissent transparaitre. Alors que ses romans évoluent dans des milieux très masculins, les personnages féminins n’occupant jamais la première place, Patricia Highsmith a pour sa part, dans sa vie, recherché la compagnie de la gent féminine, multipliant les conquêtes partout où elle passait.

Confiée à sa grand-mère peu après sa naissance au Texas, elle fut récupérée par sa mère et son beau-père à New York à l’âge de 4 ans. N’hésitant pas à déménager pour suivre ses amantes, Patricia Highsmith aura vécu en Angleterre puis en France et finalement en Suisse. Cette infatigable voyageuse aura construit au fil du temps un univers complexe tant sur le plan personnel que littéraire. Chaque écrivain a sa méthode et s’inspire plus ou moins consciemment ou non de son expérience pour enrichir son écriture. Le film s’attache donc  à analyser l’influence de la vie d’Highsmith sur son œuvre, en commençant par son enfance dénuée d’amour maternel, sans parvenir vraiment à percer la psychologie d’un être trop complexe même pour lui-même, mais laissant au spectateur le sentiment d’une femme animée d’une envie irrépressible d’écrire et d’aimer, tout simplement de vivre sa vie.

Que l’on aime ou non l’œuvre de Patricia Highsmith, on ne peut qu’être touché par le portrait qu’en dessine la réalisatrice. En effet, elle dévoile un être passionné, protéiforme et paradoxal, à la fois révolté contre la société qui corsète les femmes et rejette la différence, mais capable de s’adapter au goût du plus grand nombre pour écrire des romans policiers à succès. En effet, si l’on excepte Carol (adapté en 2016 par Todd Haynes) qu’elle écrira sous un pseudonyme, ne pouvant révéler à l’époque à sa famille bienpensante son homosexualité, elle avoue ne pas avoir réussi à mettre dans ses romans ce qu’elle aurait vraiment aimé écrire.

La double vie qu’elle se force à mener se reflétera alors jusque dans son œuvre, ce qui explique peut-être la prédominance masculine de ses personnages. Loving Highsmith remet en quelque sorte les choses à l’endroit, laissant la part belle aux combats de toutes celles qui ont vécu cachées de peur d‘être rejetées par  une société misogyne et homophobe.

Un documentaire passionnant à découvrir en salles.

Laurent Schérer

La bande-annonce :