Dans son premier long métrage intitulé La ruche, la réalisatrice Kosovare Blerta Basholli dresse un magnifique portrait d'une femme de disparu lors de la guerre du Kosovo. Ce film poignant met en scène une histoire universelle à travers le combat de Faridja contre des siècles de tradition patriarcale et de violence des hommes.

La critique :

La réalisatrice Kosovare Blerta Basholli a choisi de situer l’action de son premier long métrage, La ruche, une fiction inspirée d’une histoire vraie, dans un petit village proche de Priština, la capitale de son pays.

Située entre l’Albanie, le Monténégro, la Serbie et la république de Macédoine du Nord, la république du Kosovo est un territoire au statut contesté qui a subi une terrible guerre dans la foulée de  celles qui ont secoué les pays issus de l’ex-Yougoslavie à la fin du XXème siècle.

Comme pour toutes les guerres, le pays a eu le droit à son lot de morts et de disparus.

Ni documentaire ni mélodrame, ce film social habilement scénarisé met en scène de nombreuses femmes de disparus, partagées entre le souhait de connaitre la vérité, et la peur de reconnaitre le corps de leur conjoint, ce qui condamnerait tout espoir de les retrouver vivants. Veuves dans les faits, mais pas dans les esprits, elles ne peuvent prendre de décisions concernant leur avenir étant toujours mises face à la question : « et s’il revenait ? »

Le film s’attache alors aux pas de Fahrije, (Yllka Gashi) mère de deux enfants, qui loge en plus chez elle son beau-père handicapé. Pour survivre, elle tire ses revenus des ruches familiales dont elle s’occupe depuis la disparition de son mari.

C’est dans ce lourd contexte que Fahrije, ne supportant plus l’attente, décide de prendre son destin en main et de créer avec d’autres femmes de disparus une entreprise de fabrication de conserves d’ajvar, une purée locale de poivrons rouges. Mais elles se heurteront aussitôt au pouvoir masculin et à la pression sociale, certains hommes ne supportant pas que la tradition soit remise en question par ces femmes libres et indépendantes. Les abeilles que soigne Fahrije peuvent alors être vues comme une métaphore de l’existence de ces femmes, travailleuses infatigables qui n’hésitent pas à défendre leur miel quand le besoin s’en fait sentir.

La réalisatrice fait ainsi de cette trame une histoire universelle, combat de toutes celles qui pensent qu’il vaut mieux lutter pour concrétiser les espoirs d’une existence meilleure. Une vie où il vaut mieux affronter ses peurs et parler de ses traumatismes, aussi lourds fussent-ils, que de les ressasser et de se résigner.

Par le biais du combat de Faridja contre des siècles de tradition patriarcale et de violence des hommes, le film nous dévoile un magnifique portrait de femme fière et volontaire, décidée de s’élever contre l’adversité et de mener son projet jusqu’à son terme.

La ruche est également un film pour ne jamais occulter que la guerre, en plus de l’atrocité des combats, provoque encore bien des blessures après que les armes se sont tues.

Laurent Schérer

La bande-annonce :