Premier long métrage d’Émilie Carpentier, L’Horizon semble être le pendant fictionnel du documentaire de Geoffrey Couanon Douce France dans lequel le réalisateur suivait sur une année une classe de 1 ère ES du Lycée Jean Rostand de Villepinte, dans leur enquête sur le projet de mégacomplexe Europa City.

La critique :

Ici, les personnages principaux sont élèves d’un lycée professionnel et le projet Europa City se nomme Dream City. Le passage à la fiction permet de donner au film un aspect plus militant et l’action peut ainsi se compléter avec une histoire d’amour. De plus, ce film présente un point de vue original, celui de lier la problématique des banlieues à celle du dérèglement climatique, alors que ces deux problématiques sont le plus souvent séparées voire opposées. En effet dans la ZAD (Zone À Défendre) du film que découvrent nos héros, se mêlent aussi bien des « bobos-écolos » bien blancs que des jeunes de quartiers immigrés ou enfant d’immigrés.

Adja, (Tracy Gotoas) qui aura 18 ans au cours du film, se prépare à devenir puéricultrice. Elle est a priori une jeune fille tranquille et sans histoire. Avec ses copines, elle s’amuse, fait la fête et pratique le cosplay. Lorsqu’elle rencontre des zadistes c’est pour se moquer d’eux avec son entourage. Mais un événement viendra bousculer sa belle insouciance : la vue de  photos de maisons de son village détruites par la montée des eaux liées au réchauffement climatique. Elle se rapproche alors d’Arthur, (Sylvain Le Gall) un de ses camarades de classe qui est le fils d’un des agriculteurs expulsés. Il l’initie à la vie dans la ZAD et elle participe avec lui à de plus en plus d’actions contre un projet d’implantation gargantuesque nommé « Dream City » qui va détruire de nombreuses terres agricoles. Mais ce n’est pas évident de changer brutalement de vision du monde.

Ce film est émouvant par la force et l’énergie qu’il charrie  (« est-ce qu’on est foutus ? non on est déterminés » sera le mot de la fin) de la part de jeunes femmes et de jeunes gens qui ont pris conscience de l’urgence à traiter le problème du dérèglement climatique. Il est aussi clairement militant, la réalisatrice prenant le parti des jeunes qui revendiquent la possibilité de vivre dans un monde durable où ne règne pas que la loi du profit immédiat. Mais grâce au choix de suivre le cheminement du personnage d’Adja qui évolue dans sa vie professionnelle, sociale, familiale et existentielle, la réalisatrice apporte des nuances à sa protagoniste principale et évite la caricature. Côtoyer la souffrance et la mort dans l’Ehpad poussera Adja à se confronter au côté obscur du monde adulte.  « on sert à quoi ? » s’interroge-t-elle alors. Cette question finira par infuser tout le film. En quittant l’adolescence pour l’âge adulte, Adja découvre les difficultés, politiques, sociales, familiales, amicales et environnementales. Comme de nombreux jeunes, elle désire donner du sens à sa vie même si celui-ci n’est en accord avec les desiderata des générations antérieures.

Un film très juste sur les sentiments que porte une jeune fille à son entourage et au respect qu’elle manifeste pour son cadre de vie. Dream City dans le film est un rêve imposé par des promoteurs avides de richesses, alors que, comme le revendique Arthur, « la ZAD est un vrai rêve avec de vrais projets ».

Laurent Schérer

La bande-annonce :