Karim D. (magnifiquement interprété par Rabah Nait Oufella ) vient de publier un premier livre que tout le monde s’arrache. Mais il est rattrapé par son passé quand des tweets haineux qu’il avait publiés sous le nom d’Arthur Rambo refont surface.

La critique :

Laurent Cantet s’inspire librement de « l’affaire Meklat/Marcelin Deschamps» pour présenter dans son dernier film Arthur Rambo, les errements d’une société où les gens twittent plus vite que leur ombre et réfléchissent (éventuellement) après. Mais ce n’est pas son seul objectif. En effet, en raison de nombreuses zones d’ombres, le film génère beaucoup de questionnements sans y apporter vraiment de réponse. En particulier on ne saura jamais, et leur propre rédacteur non plus d’ailleurs, pourquoi Arthur Rambo a publié ces tweets. Le spectateur est donc conduit à réfléchir par lui-même sur notre monde contemporain.

Au-delà de la dénonciation de la culture du buzz , il s’agit avant tout de critiquer une société qui se construit exclusivement autour de leaders et de suiveurs. Facile ici d’être un suiveur ou bien un leader. Karim l’a bien fait en racontant n’importe quoi d’abject, publiant des tweets de plus en plus immondes quand il voyait venir les likes. Qui doit-on tenir pour responsable de sa notoriété ? Celui qui écrit ou celui qui commente et partage ? Aucun des deux ne peut croitre sans l’autre ! On pourrait aussi incriminer celui qui sait mais ne dénonce pas, de peur d’être mal considéré par ceux qui profitent finalement du système. Le réseau social se nourrit grâce à ses utilisateurs connectés qui ont pour seule liberté la réaction et non la réflexion. Le film met ainsi en exergue la difficulté qu’il y a à  penser par soi-même.

Que ce soit le principal, Karim, ou les secondaires à l’instar de l’éditeur Nicolas (Antoine Reinartz) ou du petit frère Farid (Bilel Chegrani), la complexité des personnages renforce l’incertitude du spectateur  sur les motivations des protagonistes. Les moments sont nombreux ou Karim ou d’autres disent : « je ne sais pas » et ce jusqu’à la fin où notre écrivain avoue : « Je ne sais plus quoi penser ».

Ce long-métrage met ici en évidence une nouvelle fracture de notre monde moderne où prime la rapidité d’expression quels qu’en soient les termes. Arthur Rambo est un film qui nous rappelle que les mots ont un sens, qu’une opinion nous est propre et doit être longuement réfléchie car l’interprétation de ce que nous disons nous échappe une fois les paroles prononcées et/ou les textes écrits et publiés.

Laurent Schérer

La bande annonce: