Vingt ans après sa sortie, l’un des chefs-d’œuvre de David Lynch revient en version restaurée. Toujours aussi puissant et énigmatique, Mulholland Drive est une séance d’hypnose, un labyrinthe fantasmagorique d'où le spectateur ressort complètement désorienté.

La critique :

  • Hey pretty girl, time to wake up!

Le Cow-boy.

La « pretty girl » c’est Betty, qui a posé ses valises à Hollywood pour tenter de vivre pleinement son rêve de cinéma et devenir une actrice, une star « ou les deux » comme elle le dit. En prenant possession de l’appartement que sa tante lui a généreusement prêté, elle rencontre une jeune femme amnésique (Laura Harring) qui vient tout juste d’échapper à une tentative d’assassinat…

Vingt ans après sa sortie, l’un des chefs-d’œuvre de David Lynch revient en version restaurée. Toujours aussi puissant et énigmatique, Mulholland Drive qui remporta le prix de la mise en scène à Cannes (2001) et le César du meilleur film étranger (2002), traverse les années sans prendre une ride et conserve une force d’évocation incroyable. Véritable exercice d’analyse filmique, le spectateur se noie dans les songes des personnages et finit par ne plus distinguer le fantasme de la réalité : quid du cabaret, du tueur à gages un poil maladroit, du rêveur du café, du clochard du parking ou du cow-boy mystérieux ? Résistant à toute tentative d’analyse (rêve, ruban de Moebius, dimensions parallèles etc), et alors que Lynch himself refuse (à raison) d’expliquer quoi que ce soit, le film n’en finit pas de se dérober devant les différentes grilles de lecture qu’on veut lui imposer. Les troupes de nos « amis les logiciens » ont beau débarquer à grand renforts de vidéos et d’articles pour tenter de nous expliquer de quoi il retourne, cela ne prend pas. Il apparaît clairement que l’intérêt du film réside ailleurs car la compréhension de l’histoire n’est pas la condition sine qua non pour l’apprécier. Et si les démonstrations des petits malins qui pullulent sur internet ont tendance à agacer, elles ne sont au fond que des plaisirs coupables de cinéphile rendant hommage au travail de Lynch.

Car il est assez révélateur de noter que ces exercices périlleux mais ô combien roboratifs d’analyse filmique concernent bien souvent des films qui ont su créer de la « matière » pour interpréter. Et c’est peut-être là la plus belle qualité que l’on puisse trouver à une œuvre : sa capacité à générer de l’imaginaire chez le spectateur, à faire résonner son monde avec le sien (stop, arrêtons-nous vite avant que la fameuse notion de « grammaire cinématographique » ne débarque).

Le pouvoir de Mulholland Drive réside tout entier dans cet onirisme quasi universel et Lynch semble avoir réussi un tour de force en recréant un cauchemar. Un peu à la manière d’un 2001, Mulholland Drive a son propre langage et dialogue avec nous, presque à notre insu. La beauté des images et la précision du montage recréent le dédale des rêves et produisent une sensation d’étrangeté, inquiétante mais pourtant familière, qui nous taraude avec l’idée tenace et latente que quelque chose cloche malgré les apparences…

Véritable séance d’hypnose et tour de force narratif et visuel, le spectateur ressort complétement désorienté de ce labyrinthe fantasmagorique.

Une expérience de cinéma toujours aussi vivace.

Thomas Kukla

La bande-annonce :