En suivant le parcours d'Houlaye, une jeune fille peule de 14 ans, la réalisatrice Aïssa Maïga s’empare du cas particulier d'une demande de forage par les habitants du village de Tatiste au Niger, pour exposer aux spectateurs ce qu’est concrètement le bouleversement d’un mode de vie lié au changement climatique. Son film Marcher sur l'eau met ainsi en exergue les conséquences de la hausse des températures à l’instant présent.

La critique :

Afin de réaliser son film Marcher sur l’eau, la réalisatrice Aïssa Maïga, née à Dakar mais d’origine peule par son grand-père, est revenue à plusieurs reprises à Tatiste, un village Peul Wodaabe situé au Niger près de la frontière malienne, et à quinze heures de route de Niamey. La réalisatrice s’attache ici au parcours d’Houlaye, une jeune fille de 14 ans, qui sert de fil conducteur au récit. À la fois documentaire, quand la cinéaste capte des moments de la vie quotidienne des familles de villageois, et fictionnel, quand elle met en scène ce qui a pu se passer entre deux de ses allers et retours, le film s’attache avant tout à raconter un événement particulier : la demande d’un forage par le village de Tatiste. Une revendication nécessaire quand il s’agit de marcher plus de dix kilomètres jusqu’au puits le plus proche alors qu’un forage donnerait accès à de l’eau disponible deux cents mètres plus bas dans une nappe phréatique fossile présente sous le sable du désert.

Le stress hydrique vécu par les habitants du village est clairement indiqué comme étant la conséquence du dérèglement climatique : d’une part la saison des pluies se raccourcit, d’autre part les températures montent. Cela entraine pour les villageois des conséquences immédiates. Beaucoup partent définitivement, et ceux qui restent doivent chercher des zones de pâturages pour leurs bêtes plus loin au sud. Les femmes partent donc travailler au Nigéria, les hommes migrent avec leurs troupeaux, et les enfants restent seuls au village. Le dérèglement climatique entraine donc pour cette population une destruction de la cellule familiale, les enfants subissant une double peine car, devant prendre le temps d’aller chercher l’eau au puits, la quantité d’heures consacrées à l’école s’en trouve ipso facto diminuée.

La réalisatrice nous offre de superbes images, dont certaines sublimes vues de drones façon « la terre vue du ciel » où le désert aride se transforme en prairies verdoyantes après les premières pluies. Elle pose également un regard tendre sur les familles, en particulier sur les enfants qui doivent murir avant l’âge. Une jeunesse à l’image du peuple Peul qui, malgré l’adversité, fait face à la situation avec dignité.

Dans ce long métrage, la réalisatrice s’empare d’un cas particulier pour exposer aux spectateurs ce qu’est concrètement le bouleversement d’un mode de vie, directement lié au changement climatique. Elle n’est pas à la recherche d’une solution miracle pour pallier à l’incurie généralisée des dirigeants de la planète, mais elle a le mérite de mettre en exergue les conséquences de la hausse des températures à l’instant présent.

En cette semaine où tous les regards sont portés sur la COP 26, un tel film apporte au sujet un éclairage intelligent.

Laurent Schérer

La bande-annonce :