À la fois drôle par la truculente interprétation de ses acteurs vedettes : Valérie Bruni Tedeschi (Raf), Marina Foïs (Julie) et Pio Marmaï (Yann), et profond grâce à un scénario ancré dans une réalité sociale qui est celle de la déshérence de l’hôpital public et du mépris des revendications de la population, le nouveau film de Catherine Corsini mérite largement d’être vu.

La critique :

Alors que le couple formé par Raf et Julie bat de l’aile, Raf chute et se casse le bras le soir du samedi 1er décembre 2018, jour de l’acte III des gilets jaunes. Elle est alors conduite aux urgences de l’hôpital où elle restera en souffrance au milieu d’une foule de patients dont la majorité est constituée par des manifestants blessés à des degrés divers par les forces de l’ordre.

Dans ce presque huis clos, la réalisatrice nous présente d’un côté les turbulences des relations du couple et d’un autre la répression envers le mouvement des gilets jaunes dont les participants souhaitaient simplement être entendus. Ce mélange détonnant évoluera dans un milieu qui permet à la réalisatrice de mettre en lumière les folles conditions de travail des hospitaliers.

Il ne s’agit jamais d’un film à thèse mais bien d’une comédie. Néanmoins, la mise en situation dans l’accueil de l’hôpital, cadre très travaillé par la réalisatrice, permet au spectateur de se rendre compte des réalités de la pratique des soins au sein d’un service d’urgences. Ainsi, Catherine Corsini a choisi de jouer avec de vrais soignants, castés par l’intermédiaire des réseaux sociaux, et qui, pour le film, exécutent les gestes quotidiens de leur environnement de travail. Il n’y a pas la moindre invraisemblance qui pourrait gêner le spectateur dans le déroulement de la comédie. Au contraire, la prestation exceptionnelle de Aïssatou Diallo Sagna qui crève l’écran en incarnant l’infirmière Kim, met sur le même plan tous les comédiens qu’ils soient professionnels ou non. Une symbiose parfaitement réussie où l’agitation comique des acteurs du devant de la scène fait écho au professionnalisme des soignants. La fracture physique de Raf, qui symbolise la séparation des deux femmes, résonne ici avec la fracture sociale et culturelle entre le couple aisé et un peuple au bout du rouleau.

Catherine Corsini réussit donc avec La fracture un équilibre parfait entre réalité et fiction, entre drame et comédie. Du grand art pour un film mené à cent à l’heure à voir de toute urgence !

Laurent Schérer

La bande-annonce :

 

La critique en video :