Irma est un récit d’apprentissage puissant dans lequel les réalisateurs brésiliens Vinicius Lopes et Luciana Mazeto mettent en scène deux sœurs qui revendiquent leur place dans un monde sous la menace d'un astéroïde. Un très beau film, tant sur le plan du scénario que celui du rendu formel.

La critique :

Un œil, tel est le premier plan du film Irma.

Les réalisateurs brésiliens Vinicius Lopes et Luciana Mazeto semblent nous inviter à capter les images de notre monde, un monde qu’il est nécessaire de regarder attentivement avant sa disparition.

Nous découvrons ensuite Ana la grande sœur (Maria Galant) et Julia sa cadette (Anais Graia Wegner) installées dans un bus qui doit leur permettre de rejoindre leur père dans une petite ville du l’intérieur du Brésil connue pour ses fossiles. Leur géniteur les a laissées des années à la charge de leur mère, préférant mener une nouvelle vie avec une autre femme. Mais la mère de Julia et d’Ana est très malade et ne peut plus s’occuper de ses filles.

Filmé du point de vue des sœurs, ce long-métrage devient un récit d’apprentissage étonnamment puissant où nos jeunes héroïnes veulent « avaler le monde entier » comme le dira Julia dans l’une de ses répliques. Irma est avant tout un très beau film à travers l’histoire qu’il raconte, loin du classique drame familial auquel on était en droit d’attendre avec cette mère mourante et ce père longtemps absent. Les réalisateurs signent un portrait touchant de jeunes filles qui veulent exister autrement qu’en tant qu’ « enfant  de » même si les sœurs, assez éloignées en âge, le sont aussi dans leurs préoccupations.

Mais c’est également un beau film d'un point de vue esthétique grâce à la recherche d’images d’une grande beauté et plus généralement d’un langage cinématographique riche et toujours au service de l’émotion. L’introduction pendant laquelle les images animées sont projetées sur les deux sœurs est ici significative, comme si les sœurs étaient percutées par les récits du monde moderne. Tout au long du film, les sensations sont ensuite parfaitement bien rendues par un traitement recherché des couleurs et un son synthétique particulièrement bien adapté.

Le film met en scène une menace liée à la chute sur la terre d’une météorite baptisée WF42. Un désastre à venir qui rappelle la pluie d’astéroïdes qui a provoqué la fin des dinosaures. Métaphoriquement nous assistons donc à la disparition d’un monde. L’évocation de l’âge des fossiles, lors des promenades des deux sœurs, donne ainsi la mesure du temps qui passe tout en soulignant l’insignifiance de l’être humain. Mais au final, est-ce la fin du monde ou le début d’un nouveau ? Toutefois, il ne s’agit pas d’un film d’action : la narration est avant tout liée à la rencontre entre un père et ses filles qui appréhendent le monde qui sera désormais le leur, sans vouloir s’en laisser compter.

Bref, un premier film très réussi tant sur le plan du scénario que celui du rendu cinématographique, à voir absolument en salles.

Laurent Schérer

La bande-annonce :