Dans le Pays basque du XVIIème siècle, Pablo Agüero construit avec Les sorcières d'Akelarre un film passionnant, magique et envoutant, porté par la remarquable interprétation d'actrices en sorcières débordantes d’énergie.

La critique :

Avec Les sorcières d’Akelarre, le réalisateur argentin Pablo Agüero nous propose un voyage dans le Pays basque du XVIIème siècle afin de nous raconter l’histoire de six jeunes filles d’un village de pêcheurs. Menées par Ana (magnifiquement interprétée par Amaia Aberasturi), Katalin, Maria, Maider, ainsi que Olaia et Oneka vont être accusées par l’inquisition de pratiquer la sorcellerie. Celles-ci ne peuvent évidemment pas prouver leur innocence face à ceux qui les considèrent comme coupables, car aux yeux de l’Église, être une fille jeune et belle vous rend forcement  diabolique. Elles décident alors de se déclarer coupables pour gagner du temps en espérant le retour des hommes partis pêcher en mer. Dans ce but elles diabolisent les simples scènes de leur vie quotidienne et montent une vraie fausse cérémonie de sorcellerie en utilisant les informations que les religieux leur ont eux-mêmes fournies.

Le film est passionnant à plus d’un titre : D’une part il colle à une réalité historique, le travail de recherche du réalisateur et de la scénariste Katell Guillou a été fourni, s’appuyant en particulier sur les récits de Pierre de Lancre (1553-1631), conseiller au Parlement de Bordeaux. D’autre part, Les sorcières d’Akelarre  nous dévoile une manipulation menée de main de maitre où l’on montre à l’autre ce qu’il a envie de voir.  Les jeunes filles vont ainsi jouer avec l’image purement fantasmatique dans laquelle les religieux les ont enfermées. Par ce biais, le réalisateur analyse la fabrication d’une prophétie autoréalisatrice où pour prouver leur utilité, les hommes d’église « fabriquent » des sorcières. À travers les portraits de ces jeunes filles qui souhaitent maitriser leur destin et résister coûte que coûte à des normes machistes qu’on voudrait leur imposer, le réalisateur signe une œuvre puissante et féministe portée par une mise en scène envoutante.

Loin de reproduire les constructions parfois poussives des films historiques, le réalisateur va utiliser pour illustrer son récit, la grammaire cinématographique des films de genre. Il en résulte une opposition entre les scènes statiques d’intérieur et celles mouvantes d’extérieur. À l’intérieur nous assistons aux interrogatoires, à la vie des jeunes filles dans leur cachot, moments sombres aux couleurs froides. À l’extérieur, éclairées par la lumière chaude du soleil ou du feu, les prises de vues sont accompagnées par des mouvements de caméra qui finissent par épouser la danse des jeunes filles. La séquence de reconstitution du sabbat est à ce titre dynamisée par un montage syncopé provoquant un rythme entrainant, voire hypnotique, qui projette le film à un apogée quasi extatique. L’ensemble est enfin porté par la remarquable interprétation de nos similis sorcières débordantes d’énergie.

Une œuvre magique et envoutante, sans mauvais jeu de mot. À découvrir dès mercredi au cinéma.

Laurent Schérer

La bande-annonce :