Rouge de Farid Bentoumi est un très beau thriller aux enjeux multiples, ancré dans une actualité sociale et écologique prégnante, à découvrir sans tarder au cinéma.

La critique :

Le rouge recouvre les murs de l’usine chimique Arkalu. On retrouve élégamment cette couleur sur la tenue des ouvriers et bien sûr dans le sang qui unit Nour (Zita Hanrot) à son père Slimane (Sami Bouajila). Cette couleur imprègne enfin la nature où les boues rougeâtres de l’usine sont déposées.

Pamphlet politique et drame familial, Rouge de Farid Bentoumi est un film sur la parole. Celle du père contre celle de sa fille, celle du patron face à  la commission d’enquête, ou bien encore celle de la journaliste qui se bat pour faire éclater la vérité. Slimane n’a jamais eu droit à la parole : dans l’usine les cadres décident et les ouvriers obéissent. Le père souhaiterait  que sa fille se taise aussi. Mais Nour ne l’entend pas de cette oreille et les relations au sein de la famille vont se tendre.

Au début du film, nous suivons Nour tout juste embauchée à un poste d’infirmière du travail au sein de l’usine Arkalu dont l’activité fait vivre la ville et dans laquelle travaille déjà son père, délégué syndical qui connaît tous les ouvriers et l’histoire de l’entreprise depuis de nombreuses années.

Mais Nour découvre, poussée par sa conscience professionnelle, que tout n’est pas clair dans les dossiers médicaux des salariés. Elle relie ainsi de graves problèmes de santé du personnel au traitement des boues rouges évacuées par l’usine. En pointant les problèmes, elle se retrouve sans vraiment s’en rendre compte dans le rôle d’une lanceuse d’alerte.

Deux logiques vont alors s’affronter, le père prônant la sauvegarde de l’emploi tandis que la fille privilégie la santé des ouvriers et la protection de l’environnement. Le raidissement des positions poussera au conflit familial d’autant plus que la politique et la presse finiront par interférer dans le récit des événements, chacun des protagonistes devenant un pion dans une histoire aux enjeux bien plus vastes qu’un simple conflit générationnel.

C’est parce qu’ils vont résister à cette pression et chercher à garder l’essence des liens familiaux qui les unissent, tout en essayant de comprendre les raisons qui les poussent à agir, que Nour et Slimane pourront se retrouver.

Je ne peux achever cette critique sans mentionner le superbe travail du chef opérateur George Lechaptois qui a su utiliser toute la palette du rouge pour nous donner à voir de superbes images pleines de sens grâce à des cadrages au plus près des visages des comédiens. Des plans ciselés qui font ressortir l’émotion animant les différents protagonistes. Mention spéciale également pour la bande-son qui rend au mieux le bruit incessant de l’usine et renforce la dramaturgie à bon escient.

Bref, un très beau thriller aux enjeux multiples, ancré dans une actualité sociale et écologique prégnante, à découvrir sans tarder au cinéma.

Laurent Schérer

La bande-annonce :

 

La critique en vidéo :