Après avoir brillé à Beaune avec Diamant noir, sa première œuvre de fiction, Arthur Harari connait à présent les honneurs du Festival de Cannes. Son second film Onoda a été en effe choisi pour faire l’ouverture  de la sélection « Un certain regard ». Une reconnaissance méritée pour un cinéaste dont le nouveau long-métrage vous happera dès les premières images et ne vous lâchera plus jusqu’au générique de fin.

La critique :

Le scénario d’Onoda brode sur la vie du  lieutenant japonais Hiroo Onoda, un militaire  formé à la guerre secrète, qui avait reçu comme mission de tenir coûte que coûte avec quelques soldats sur l’île de Lubang aux Philippines en attendant le retour des armées japonaises forcément victorieuses.

L’histoire semble déjà connue, et le scénario n’invente pas de multiples rebondissements, mais le réalisateur sait magnifiquement bien rendre l’atmosphère qui règne entre les soldats  alors que la pluie est incessante sur l’ile pendant une moitié de l’année tandis que le reste du temps  règne une chaleur écrasante.

Harari réussit le tour de force de mettre en évidence des thèmes d’une actualité brûlante en ces temps où pullulent les complotistes. Il met ici en lumière le rôle néfaste de l’embrigadement et des fakes news, afin de nous montrer comment on peut falsifier et  manipuler la réalité pour la remplacer par une vision tronquée du monde. Ainsi, malgré de nombreuses tentatives de l’extérieur de convaincre le lieutenant, celui-ci restera persuadé pendant trente ans de la poursuite de la guerre et de son devoir de la continuer.

Le réalisateur n’a pas fait le choix d’une reconstitution historique fidèle afin de donner une portée plus universelle à son récit. Il ne s’est pas non plus appuyé sur les mémoires qu’Hiroo Onoda a publiées après son retour au Japon. Cela a un double intérêt. D’une part permettre au spectateur de mieux accepter le caractère du personnage, et d’autre part de poser des questions plus larges que celles du patriotisme et de la simple obéissance aux ordres.

Les remarquables interprétations du lieutenant par Endo Yuya puis par Tsuda Kanji, il fallait bien deux acteurs pour incarner le fameux Hiroo Onoda, donnent tout son sens  à une œuvre cinématographique qui vous laissera bouche bée pendant presque trois heures.

Contrairement à Anatahan  où Joseph von Sternberg avait construit de toutes pièces un décor en carton-pâte pour conter une histoire semblable, Arthur Harari s’est embarqué au  Cambodge pour nous offrir de superbes images où le dépouillement et le réalisme sont à l’honneur. Ainsi, Onoda devient presque l’opposé cinématographique d’Anatahan, les plans larges du premier rentrant en opposition avec les cadres resserrés du second tandis que les troubles intérieurs des protagonistes d’Anatahan font face aux certitudes intimes d’Onoda. S’il fallait une référence cinématographique, on se tournerait plus volontiers vers La ligne rouge de Terrence Malick tant pour ses décors grandioses que pour le traitement de la guerre comme absurdité et folie humaine.

Bref, un superbe moment de cinéma, à ne pas rater.

Laurent Schérer

La bande-annonce :

 

La critique en vidéo :