Éléonore Weber nous livre avec Il n'y aura plus de nuit, un film documentaire impressionnant et dérangeant sur la guerre "propre" menée du ciel par des yeux électroniques qui traquent tout mouvement, même la nuit.

La critique :

La documentariste Éléonore Weber s’est emparée d’images de guerre présentes en libre accès sur le net afin de façonner Il n’y aura plus de nuit qui nous projette dans un univers futuriste ultra réaliste, et pour cause, ce qui y est visionné est notre réalité. Les images vues à l’écran proviennent ainsi d’hélicoptères et autres engins volants dont les technologies embarquées font que le pilote voit la nuit presque aussi bien que comme en plein jour.

Les missions de reconnaissance nocturnes se multiplient pour la « bonne cause » à savoir la lutte contre le terrorisme. Malheureusement les images reçues nécessitent toujours une interprétation qui fait qu’un paysan et sa fourche peuvent facilement être confondus avec un combattant armé de sa Kalachnikov. Sachant cela, les habitants des régions surveillées ont appris à se cacher lorsqu’ils entendent un bruit de moteur, ce qui les rend encore plus suspects à l’aune du regard électronique qui les surveille.

Mettant de côté les commentaires à chaud qui accompagnent ces images, leur préférant un silence troublant ou le commentaire épisodique « à froid » d’un pilote français Pierre V. qu’elle questionne, la réalisatrice permet au spectateur de mesurer le pouvoir des images et leur emprise sur ceux qui les regardent. En effet, on ne peut nier que, malgré leur finalité souvent morbide celles-ci revêtent une beauté certaine, et surtout favorisent le fantasme de l’omniscience cachée en chacun d’entre nous. Voir en surplomb, en pleine nuit, n’est-ce pas se permettre de « tout » voir, comparé à un « rampant » sans lumière ? n’est-ce pas alors se donner un droit à l’interprétation de ce qui est vu « mieux » que quiconque ?

À vouloir rendre compte de faits objectifs par l’accès à une technologie de plus en plus poussée, on s’aperçoit  que la subjectivité évacuée par la porte revient  aussitôt par la fenêtre. On comprend alors pourquoi les opérateurs et pilotes deviennent de plus en plus paranoïaques au fur et à mesure des missions, les « bavures » devenant derechef de plus en plus fréquentes et prévisibles.

Par cet impressionnant et dérangeant film documentaire, Éléonore Weber nous confirme, s’il en était encore besoin, que l’idée d’une guerre propre  grâce à la technologie n’existe tout simplement pas.

Laurent Schérer

La bande-annonce :

 

La critique en vidéo :