Après Tharlo, le berger tibétain, une fable contemplative sur les frictions entre tradition et modernité, et Jinpa, un conte tibétain qui mettait en scène une  histoire d'enquête et de vengeance, Balloon croise une histoire sociale et politique avec une critique de la condition féminine. Un beau film, dans la lignée des deux premiers, et dont la fin ouverte et sujette à interprétation laisse libre cours à la réflexion du spectateur.

La critique :

Drolkar  (Sonam Wangmo) et son mari Dargye (Jinpa) vivent de l’élevage de leur troupeau de brebis dans la montagne tibétaine. Ayant déjà trois garçons, ils ne peuvent pas avoir de quatrième enfant sous peine d’amende. Cependant la contraception est un concept tout récent dans leur village reculé, et qui n’est pas sans soulever de nombreux problèmes.

Dans son nouveau film Balloon, le réalisateur tibétain Pema Tseden expose le poids de deux institutions sur la société tibétaine (la religieuse et la politique) et ses conséquences sur la famille. En effet, la religion tibétaine, dont les adeptes croient en la réincarnation, professe que l’âme d’un mort se retrouve dans un être vivant dès sa conception. De la même manière, la politique chinoise a longtemps imposé par le biais de la contrainte financière la politique de l’enfant unique. Alors qu’elle est la première concernée au moment où elle s’interroge sur l’avenir de sa grossesse,  Drolkar est ballotée entre deux injonctions contradictoires, sans parler des désidératas de son mari, et n’a donc pas voix au chapitre. Elle devra faire force de volonté pour trancher et décider de son destin.

Après Tharlo, le berger tibétain, une fable contemplative sur les frictions entre tradition et modernité, et Jinpa, un conte tibétain, une histoire d'enquête et de vengeance, Balloon croise une histoire sociale et politique avec une critique de la condition féminine.

Les personnages du film ne sont pas montrés sous leurs meilleurs jours. Souvent moutonniers, la comparaison entre l’homme et le bélier est d’ailleurs ici récurrente et explicite, peu en effet sont capables de s’opposer à la tradition ou à la politique. Si certains sont naïfs comme les deux garçons de Drolkar et Dargye qui font des ballons avec les préservatifs de leurs parents, la plupart des protagonistes semblent avant tout suivre le chemin tracé par la société. Qu’ils soient conduits par la religion comme la sœur de Drolkar, le poids des traditions comme la majorité des villageois, ou bien  l’allégeance au diktat politique telle la femme médecin, aucun ne semble vouloir prendre son destin en main à l’exception de Drolkar et son ainé.

Jouant habilement avec les cadres et les lumières, floutant à dessin certains plans par des jeux de reflets, ou plus directement comme la vision des deux garçons à travers leurs « ballons » en début de film, Pema Tseden conduit son spectateur à s’interroger sans en avoir l’air, sous couvert de la description de la société tibétaine, à la critique sociale d’une politique chinoise rigide et d’une religion aux normes intrusives. Alternant les intérieurs sombres et les paysages infinis, Tseden tisse une métaphore soignée dans laquelle l’humain se retrouve in fine derrière les barrières de l’enclos qui parque les brebis.

Un beau film, dans la lignée des deux premiers, et dont la fin ouverte et sujette à interprétation laisse libre cours à la réflexion du spectateur.

En ce moment au cinéma.

Laurent Schérer

La bande-annonce :