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J’aime beaucoup Stephen King . Il est clair que son écriture ciselée me fascine encore et toujours 30 ans après avoir découvert Ça dans la bibliothèque de mon village. Comme Mark Twain en son temps, il arrive à nous rendre tangible l’existence de ses personnages par le biais de leur quotidien, tout en nous dressant un portrait édifiant des mentalités aux USA.

Peur bleue a été initié par le nabab du cinéma italien Dino de Laurentiis, producteur entre autres de Flash Gordon ou de Fellini, qui voulait profiter du succès de l’écrivain du Maine dans les années 80. L’ami Dino financera ainsi au cours de cette décennie : Dead Zone (chef-d’oeuvre !), Charlie, Cat's Eye et enfin Maximum Overdrive que King mettra lui-même en scène. Souffrant à l’époque d’addictions diverses et variées, le « king » de l’horreur littéraire ne marquera pas l’histoire du 7ème art avec sa seule réalisation, avouant par la suite être un piètre cinéaste.

Peur bleue est une adaptation d’un court roman illustré intitulé L'Année du loup-garou où chaque chapitre correspond à un mois de l’année. Comme pour Simetierre , c’est King lui-même qui s’occupe de tirer un scénario de son ouvrage littéraire.

Peu à peu tombé dans l’oubli en raison d’une réputation pas forcément flatteuse, Peur bleue mérite cependant d’être redécouvert. C’est en effet une excellente série B qui compte de très bons protagonistes que King nous présente dans leur quotidien en début du film, par le biais de séquences d’exposition plutôt intelligentes. Pas vraiment horrifique, Peur bleue fait beaucoup penser aux productions Amblin de l’époque avec son héros adolescent dont la chaise roulante motorisée remplace les vélos de cross des films de Spielberg . À ce titre, il faut noter que le réalisateur de Peur bleue a travaillé comme assistant de Spielberg sur E.T . Collaborateur des Z.A.Z. (Zucker, Abrahams et Zucker réalisateurs de Y a-t-il un pilote dans l'avion ?) ou de Coppola, il dirige ici de vraies gueules de cinéma qu’on a plaisir à voir et à revoir. On retrouve ici Gary Busey  vu dans L'Arme fatale, Terry O'Quinn que le grand public connaît en tant que John Locke dans Lost et Everett McGill vu en tant que garagiste dans la sérieTwin Peaks.

Comme très souvent dans les oeuvres signées par King, il y a un drame humain qui nous est conté au-delà de l’argument fantastique. Ici, l‘écrivain et scénariste se concentre sur un jeune garçon handicapé qui a du mal à trouver sa place entre un père absent et une mère protectrice maladroitement secondée par un oncle porté sur la bouteille. Ce film n’a pas forcément une très bonne réputation chez les fans de fantastique, et la raison en est simple : King s’intéresse peu ou pas au mythe du loup-garou. En effet, Peur bleue doit être plutôt considéré comme une oeuvre policière où la recherche de l’identité du criminel se transformant en loup-garou est bien plus importante que les scènes horrifiques présentes dans le film.

Si le scénario est solide et plaisant à suivre, c’est grâce à la mise en scène efficace de Daniel Attias . Le primo-réalisateur nous offre ainsi deux scènes particulièrement impressionnantes : la séquence de transformation dans l’église, et aussi celle de la traque dans une forêt embrumée qui n’a rien à envier à l’imagerie gothique de la Hammer. Le réalisateur réussit surtout l’exploit de donner vie dans la plupart de ses plans à un loup-garou loin d’être aussi bien fait que dans Hurlements ou Le loup-garou de Londres . En charge des effets spéciaux, Carlo Rambaldi ne fut pas particulièrement inspiré dans ce film, se limitant à un acteur en costume pour de nombreuses séquences. Capable du meilleur (les vers des sables dans Dune ) comme du pire (le King Kong mécanique du film de John Guillermin qui ne fonctionnait pas), Carlo Rambaldi peut remercier le réalisateur d’avoir limité la casse même si ses effets paraissent quand même bien datés quand on revoit Peur bleue.

Le film n’hésite pas à nous faire rire entre deux scènes angoissantes, mais jamais au détriment de son sujet ou de ses personnages. Je pense ici aux échanges entre le protagoniste principal et son oncle alcoolique et à l’affrontement entre le loup-garou et notre héros sur le pont à la nuit tombée. L’humour n’est jamais forcé et enrichit un film qui compte également de jolies scènes pleines de suspens à l’image de cette séquence où la soeur du héros fait une tournée dans la ville pour découvrir l’identité du tueur de la pleine lune.  

Si vous aimez les films avec d’intrépides adolescents, je ne peux que vous conseiller ce long-métrage bien mené et solidement réalisé, qui mérite d’être réhabilité tout simplement.

Mad Will