Dans son documentaire Indes Galantes , Philippe Béziat suit une troupe de danseurs de hip-hop, krump, break, voguing, qui montent sur la scène de l’Opéra de Paris et réinventent l’oeuvre de Jean-Philippe Rameau. Ils sont guidés dans leur travail par le metteur en scène Clément Cogitore et la chorégraphe Bintou Dembélé.

La critique :

Le film poursuit l’intention première de la mise en scène, à savoir celle de déconstruire les stéréotypes. Danse urbaine et chant lyrique se côtoient, dialoguent en harmonie, pour créer un évènement nouveau et inédit pour l’Opéra de Paris. Sur scène, ce sont des jeunes danseurs de tous horizons qui viennent interroger les rapports entre deux mondes, celui de la ville et de l’Opéra, ce dernier n’ayant jamais ouvert ses portes d’une telle manière. L’accueil mitigé des journalistes contraste avec l’enthousiasme du public, et la fonction du film est ici celle de venir prolonger l’euphorie de la représentation, tout en révélant le long travail fait en amont.

La caméra de Philippe Béziat nous conduit dans les coulisses de l’Opéra, offrant au spectateur un accès privilégié à ce monde habituellement clos. C’est au travers du regard des danseurs que le film avance, rendant compte d’un important travail qui a duré deux ans et d’une expérience collective rythmée et touchante. Le corps magnifié est au centre de l’image, et la danse lui confère une dimension spectaculaire qui fait vibrer le spectateur autant qu’il l’émeut. Intelligence et sensations se mêlent alors, pour aboutir à un saisissement presque magique. La dernière entrée de l’opéra de Rameau, « Les Sauvages », relève ici de l’émerveillement et de l’étonnement, grâce à une parfait symbiose entre les artistes, chanteurs, danseurs et musiciens.

Philippe Béziat réalise ici un film musical qui ne parle pas de musique, mais qui se sert de cette dernière comme matière d’un projet cinématographique, et montre les artistes au travail. Il joue avec la forme, intégrant dès l’ouverture des vidéos que les danseurs ont eux-mêmes tournées pour leurs réseaux sociaux, des stories en format portrait où ils s’adressent directement à leurs followers. Leur vie ne se limite pas à l’Opéra, elle se poursuit en dehors. Cette recherche d’authenticité à la fois de l’image et de la parole permet ainsi de renforcer les liens entre l’œuvre et la vie, entre l’art et le réel. Le documentaire montre brillamment cette rencontre et fait du cinéma un art qui se nourrit avant tout du monde réel.

Un film à voir sur grand-écran, pour la beauté de l’opéra et du cinéma, et surtout pour la beauté de l’art.

Camille Villemin

La bande-annonce :

 

La critique en vidéo :