Le feu sacré est un film documentaire d’Éric Guéret qui retrace le combat des salariés de l’usine Ascoval du site de Saint-Saulve dans le département du Nord, contre sa fermeture décidée dans les bureaux des dirigeants de son propriétaire Vallourec pour des enjeux de stratégie industrielle de court terme.

La critique :

Ces dernières années, les films qui retracent les luttes salariales sont nombreux, tant des fictions (En guerre de Stéphane Brizé) que des documentaires (Des bobines et des hommes, de Charlotte Pouch 1336 jours, des hauts, débats mais debout de Claude Hirsch ) sans oublier le pamphlétaire et inclassable Merci patron ! de François Ruffin.

Le feu sacré reprend les chapitres habituels du genre : L’annonce de la fermeture, la grève avec feux de pneus, la détermination des salariés, les divisions syndicales, le déplacement de la lutte sur le terrain juridique, l’inanité d’une telle décision et ses conséquences en matière de gâchis social et humain, et bien-sûr la duplicité des propriétaires de l’usine et du gouvernement.

 

Mais ce qui réserve à ce film une place à part, c’est qu’il donne une valeur particulière au travail de ces femmes et hommes d’Ascoval. « Nous sommes des ouvriers qualifiés et pas spécialisés », revendique fièrement l’un des salariés. Cette qualification qui permet les gestes techniques assurant la production d’un acier de haute qualité à partir de ferrailles récupérées, on la ressent tout au long du film. Chaque salarié est à sa place, faisant son métier avec amour, presque avec foi, tant la conviction de bien faire semble enracinée profondément en eux. En choisissant comme titre à son film « Le feu sacré » Éric Guéret ne s’est pas trompé, il y a quelque chose de presque mystique qui émane de ces travailleurs quand ils sont en contact avec ce qui a rythmé leur vie pendant toutes les années passées à l’usine : Le feu, la coulée d’acier en fusion qu’il faut savoir dompter afin d’en façonner un métal de la meilleure qualité.

Après trente années passées au service du documentaire, Éric Guéret nous offre pour sa dernière réalisation un thriller éblouissant dans lequel le feu joue un rôle majeur. Grâce aux images de toute beauté qu’il a captées, il nous représente l’usine telle une bête vivante, un dragon, dans un tableau métaphorique que Zola n’aurait pas renié, jouant avec les moments de sommeil, lorsque les ouvriers partis, l’usine déserte semble se reposer, et ceux d’activité où elle fait au sens propre des étincelles. Le réalisateur nous donne alors à voir plus qu’un lieu de travail, il met en scène un lieu de vie.

Film social et politique, ce long-métrage révèle des vies pleines d’espoirs, de croyances qui ne peuvent être résumés à une fonction. Ayant foi dans leur travail, les salariés ont pu trouver l’énergie nécessaire pour taire leurs divisions et mener comme un seul homme une lutte victorieuse contre l’adversité : actuellement l’usine fabrique des rails et semble sortie d’affaire.

Une œuvre indispensable pour rappeler à certains que l’être humain ne doit jamais être considéré comme un pion, une quantité négligeable que l’on pourrait licencier et humilier sans conséquence.

Laurent Schérer

La bande-annonce :