Il ne faut jamais oublier quand on revoit Les Trois Jours du Condor que celui-ci a été conçu après l’affaire du Watergate. Le film est symptomatique d’un cinéma hollywoodien qui se mettait à produire avec de gros budgets et des stars des longs-métrages remettant en cause le fonctionnement même des institutions américaines. Avec ces tueurs au service d'une CIA qui semble agir en dehors de tout contôle, Les Trois Jours du Condor au même titre qu’À cause d'un assassinat d'Alan J. Pakula et Conversation secrète de Francis Ford Coppolamontre que les Américains ne croient plus en leur gouvernement, voir s'en méfient. La réussite Des Trois Jours du Condor est en partie liée à l’interprétation énergique d’un Robert Redford en baskets qui ressemble dans le long-métrage à un jeune étudiant avec sa veste grise en tweed. Il travaille officiellement pour American Literary Historical Society qui s’avère une couverture pour un bureau de la CIA composé d’analystes. Son look, son attitude plutôt cool et son goût pour la culture populaire quand il cite Dick Tracy dans l’ouverture, ne semblent pas forcement plaire à ses collègues qui lui demandent ce matin-là d'aller chercher à déjeuner pour tout le bureau. C’est à ce moment-là que tout se dérègle. Pendant près de deux heures, le long-métrage devient alors un passionnant thriller où le spectateur ne cesse de s’interroger sur les moyens dont va user le héros pour survivre.

On ne peut qu'admirer cette nouvelle et superbe copie restaurée où la mise en scène de Sydney Pollack est encore plus impressionnante que dans mes souvenirs. Chaque cadre semble avoir ainsi avoir fait avait preuve d’un soin maniaque avec une prédilection pour les surcadrages afin de nous indiquer que le personnage est pris dans un étau dont il essaye à tout prix de se dépêtrer. Quant à la photographie d’Owen Roizman qui fut le chef opérateur entre autres de William Friedkin , elle est extraordinaire. Le nuancier automnal du film (qui rappelle les photographies de la jeune femme qui aidera le héros) est vraiment impressionnant dans la nouvelle copie.

Quand on regarde Les Trois Jours du Condor , on est quand même en droit d'éprouver des regrets concernant la disparition progressive au cours des 40 dernières années d’un cinéma commercial adulte et exigeant. Les Trois Jours du Condor ne s’appuie pas sur des effets clinquants censés réveiller le spectateur sur son siège chaque seconde. Non, ce long-métrage s’articule avant tout autour d’une mise en scène réfléchie et stylisée qui sait prendre son temps pour magnifier ses acteurs. Cette oeuvre témoigne également d’une époque où les films se réalisaient à partir de scénarios solidement écrits qui nous divertissaient et nous faisaient réfléchir en même temps. À cet égard, la conclusion des Trois Jours du Condor est vraiment pertinente. Alors que le monde court à sa perte en raison d‘un réchauffement climatique et que l’or noir continue à faire couler plus de sang, le film semble terriblement d'actualité avec un dialogue final qui résume parfaitement la politique énergétique de nos dirigeants actuels.

Les Trois Jours du Condor est à voir ou revoir absolument. C’est un thriller intelligent, élégamment filmé et très bien interprété. Une oeuvre presque sans défaut qui fait tout simplement partie de mon panthéon cinématographique personnel.

Mad Will

Merci au distributeur Les Acacias de nous permettre de redécouvrir en salles un pareil chef-d'oeuvre !