Dans son film We are soldiers , Svitlana Smirnova nous dévoile le quotidien de la rééducation physique et morale à l'hôpital de trois mutilés de la guerre en Ukraine, trois soldats volontaires, qui se dévoilent devant une caméra neutre, sans jugement ni réponse.

La critique :

1070 kilomètres, c'est la distance Dunkerque Bastia à vol d'oiseau. 1070 kilomètres, c'est aussi la distance qui sépare Strasbourg de Oujhorod, à la frontière Ukrainienne. 1070 kilomètres, la distance qui nous sépare d'un pays en guerre depuis six ans.

Que veut dire "faire la guerre" ? La plupart d'entre nous l'ont oublié. Vu d'ici la guerre, c'est quelques bribes d'informations au vingt heures, parfois une expérience immersive hollywoodienne sur grand écran, plus souvent, c'est l'excitation d'un jeu vidéo. En France la guerre est généralement conjuguée au passé sur les photos jaunies de nos grands-parents, ou au loin, dans les reportages de nos missions de "maintien de la paix" en Afrique. La guerre, c'est parfois une emphase dans un discours déclamé pour demander à la population de supporter un moment difficile. Cependant dans l'Est de l'Ukraine, la guerre est une réalité bien palpable.

Svitlana Smirnova est une comédienne ukrainienne qui a une formation de kiné. Quand la guerre éclate en 2014 lors de l'invasion de la Crimée par les forces Russes, elle se porte volontaire pour aller masser les blessés de guerre à l'hôpital militaire de Kiev. Là, dans ces moments de contacts privilégiés et de réconfort, les hla ommes se confient, se racontent. L'enrôlement, le front, le patriotisme, la camaraderie, la famille, les blessures, les morts. La jeune femme réunit alors une équipe et décide de filmer le témoignage de trois de ces mutilés de guerre : Anatolii, 55 ans, Oleskii, 37 ans et Dmytro, 22 ans. Trois hommes aux origines et aux générations différentes. Trois soldats volontaires aux motivations personnelles, qui se dévoilent devant une caméra neutre, sans jugement ni réponses.

Durant une heure, Svitlana Smirnova nous dévoile le quotidien de la rééducation physique et morale à l'hôpital. Avec un tel sujet, ce qui nous surprend d'abord et nous touche ensuite, c'est la force d'âme et l'humilité de ces trois hommes. Bien qu'estropiés, tous trois ont le regard tourné vers l'avenir. Les contacts humains sont emplis de sourires, que ce soit avec le personnel hospitalier, les autres blessés ou les visiteurs amicaux. La presse locale les voit comme des héros, eux ont surtout conscience d'être en vie et d'avoir eu de la chance. Bien sûr leurs situations sont compliquées et la caméra n'oublie pas de nous rappeler le sacrifice vécu dans leur chair, mais il n'est pas question de baisser les bras. Au loin le retour à la vie civile se profile. Le retour à la vie, tout simplement. 

Gwenaël Germain

La bande-annonce :