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Un film de morts-vivants tourné en Angleterre, réalisé par un cinéaste espagnol et coproduit avec l’Italie, il est clair que la mondialisation était déjà une réalité dans le cinéma d’exploitation. Pour autant, le choix de la Grande-Bretagne comme terrain d’action pour un film de zombies n’est pas lié au hasard pour un réalisateur ibérique. En effet, le franquisme ne tolérait pas que des horreurs puissent se dérouler dans l’Espagne catholique et fasciste. En tournant à l’étranger, le film ne pouvait être interdit pour avoir diffusé des messages sur le contexte social de la patrie de Cervantes.

Quelques mots sur le réalisateur du Massacre des morts-vivants : Jorge Grau . Ce cinéaste catalan aura commencé sa carrière comme assistant de Riccardo Freda après avoir fait ses études cinématographiques en Italie. Il a œuvré aussi bien dans le cinéma de genre que d’auteur. À ce titre, ses premiers films sont mal reçus par les autorités, car ils mettent en scène une Espagne qui aspire au bonheur, mais qui par lâcheté ne fait rien pour l’obtenir. Il va dans les années 70, comme d’autres de ses camarades comme Paul Naschy ou Jess Franco , œuvrer dans le fantastique qui est moins soumis à la censure en raison de la présence d’éléments surnaturels. À noter que Grau était également écrivain, peintre, acteur et metteur en scène de théâtre.

Le Massacre des morts-vivants est une œuvre de transition entre deux visions du fantastique en Europe.

Le film rappelle en premier lieu le cinéma anglais fantastique de la Hammer à cause de son décorum anglais. On pense également aux films gothiques italiens de Freda (Les Vampires ) ou de Mario Bava et son célèbre  Masque du démon . À l’instar des cinéastes italiens précédemment cités, Grau soigne ses cadrages et sa photographie, captant à merveille l’ambiance crépusculaire de ses décors regorgeant de zones d’ombre tels le caveau dans le cimetière ou la morgue dans un hôpital victorien.

Si Le Massacre des morts-vivants soigne son ambiance et prend son temps pour développer son intrigue, il témoigne aussi de l'avènement du gore dans le cinéma commercial. Mise en scène clinique dans les séquences de tripaille, membres arrachés et dévorés devant la caméra, absence totale d’humour, Le Massacre des morts-vivants  annonce tout simplement les films de revenants à venir de Lucio Fulci tels que L'Au-delà . Une similitude entre le travail de Fulci et Grau dûe à la présence de nombreux techniciens italiens sur le film dont le maquilleur Gianetto De Rossi . Quelques années avant son travail sur L'Enfer des zombies de Fulci , il nous donne ici à voir des maquillages plutôt réalistes où la décomposition des corps est prégnante. Même si le film ne compte pas énormément de scènes gores, elles sont réellement impressionnantes pour un film de 1974 avec des morts qui croquent à pleines dents dans les viscères de leurs pauvres victimes.

S le film de Grau se démarque de la plupart les longs-métrages de morts-vivants qui pullulèrent en Europe, c’est grâce à son message politique. En effet, Le Massacre des morts-vivants est avant tout un manifeste écologique et libertaire. Grau dénonce ici comment l’homme corrompt la nature au nom de la modernité et surtout du profit. Alors que le film commence par des plans sur des villes polluées, la campagne où viennent se ressourcer nos deux héros semble être un havre de paix. Malheureusement ici aussi, l’homme infecte ce qui l’entoure par le biais d’expérimentations du ministère de l’Agriculture censées nous débarrasser des insectes nuisibles. Ces expérimentations auront alors une incidence sur les morts du village qui reviennent à la vie, tandis que les bébés de la maternité feront preuve d’un comportement violent.

Néanmoins, il sera impossible pour nos héros de dénoncer cet état de fait. En effet, ils feront face à un inspecteur zélé joué par l’expérimenté Arthur Kennedy qui finira par avoir leur peau. Né à Barcelone dans un pays fasciste qui réprimait les Catalans, Grau tire à boulets rouges sur cet officier de la police anglaise qui ne connaît que la force. Toujours au service des puissants, il hait la jeunesse et symbolise une société répressive qui écrase l’utopie avec la crosse de son pistolet afin d’annihiler toute idée de changement.

Grâce à sa solide réalisation et ses séquences gore qui n’ont rien perdu de leur impact, ce Massacre des morts-vivants plutôt bien joué dans l’ensemble, est assurément l’un de meilleurs films de zombie du vieux continent. À redécouvrir d’urgence !

Mad Will