Pour cet été, plutôt que de vous donner à lire de longues critiques, je vous propose une liste de 50 films que j’apprécie tout particulièrement afin d'échanger avec vous autour du cinéma. Pour réaliser cette sélection, je me suis astreint à des oeuvres que je n’avais jamais critiquées sur Chacun Cherche Son Film. De la même manière, les longs-métrages retenus devaient appartenir à des genres différents. C’est ainsi que vous trouverez aussi bien de la comédie que du cinéma fantastique ou érotique, et même du cinéma d’auteur français ! J’espère que cette sélection vous fera réagir et vous surprendra tout en vous faisant découvrir de petites perles.

En quelques lignes, j’essayerai pour chaque long-métrage de vous expliquer pourquoi cette oeuvre compte pour moi afin de vous donner envie de le voir ! N’hésitez pas à commenter sur les réseaux sociaux !

#5 Malpertuis d'Harry Kümel

Le film en DVD (occasion) : Lien

Je vous propose de commencer cette sélection avec un film belge adaptant Malpertuis, le chef-d’oeuvre de la littérature fantastique belge signé Jean Ray, le Edgar Allan Poe du « plat pays ». Concernant l’adaptation de Malpertuis, je parlerai ici de la version en flamand de 119 minutes montée par Harry Kümel et disponible chez Malavida dans une édition DVD malheureusement épuisée. Il faut savoir que pendant de longues années, la seule copie exploitée dans l’hexagone et dans le reste de l’Europe fut le montage de 107 minutes (signé Richard Marden) présenté à Cannes dans les années 70. Une version reniée par le réalisateur du cultissime Les Lèvres rouges , l’un des tout meilleurs films européens sur le vampirisme avec Delphine Seyrig.

Ce qui frappe d’emblée quand on voit Malpertuis , c’est la superbe photo de Gerry Fisher, chef opérateur anglais reconnu qui aura mis en lumière de nombreux films de Joseph Losey mais aussi le Terreur Aveugle de Richard Fleischer . Sa photographie travaillée participe à l’ambiance fantastique et étouffante d’un joyau visuel signé par un formaliste haïssant au plus haut point le caractère littéraire de la Nouvelle Vague. Dans Malpertuis, il semble avoir soigné le moindre de ses cadres avec un souci maladif du détail, truffant ses images de fausses perspectives afin de faire de la demeure hantée du film un monde où se perd chacun de ses personnages.

Pour le casting principal, nous retrouvons des comédiens chevronnés tels que Michel Bouquet et Jean-Pierre Cassel sans oublier des acteurs flamands et connus en Belgique tels que Charles Janssen .  Enfin, dans le rôle du rosicrucien à l’origine de l’étrange malédiction qui touche la demeure de Malpertuis, nous avons Orson Welles livrant une prestation impeccable, mais qui s’avérera insupportable sur le plateau.

Malpertuis était tout simplement inadaptable. Comment rendre à l’image un roman écrit sur plus de 13 ans et pensé comme un collage surréaliste, mêlant différentes temporalités et multipliant les narrateurs ? Soyons francs, Harry Kümel ne réussit pas totalement son adaptation qui se vit avant tout comme une expérience esthétique. Il le reconnaît lui-même, il a été un peu trop présomptueux avec Malpertuis . Si le film se perd souvent et rate sa conclusion, l’étrange étrangeté et l’écriture baroque de Jean Ray sont rendues à merveille par un visuel splendide où chaque plan ressemble à une peinture. Un film indéfinissable qui montre la richesse du cinéma fantastique européen.

 

#4 Bandits, bandits de Terry Gilliam

Le film en VOD : https://www.universcine.com/films/bandits-bandits

Le jeune Kevin est persuadé que son placard est un tunnel spatio-temporel depuis qu’un chevalier est venu visiter sa chambre. Réveillé une nuit par 6 nains malicieux qui ont dérobé la carte du temps à l’Être Suprême, il répond alors à l’appel de l’aventure et s’embarque avec ses compagnons de petite taille dans un voyage dans le temps, où il rencontrera aussi bien Robin de bois qu'Agamemnon dans un récit plein d’humour et bourré d’idées. À l’instar de Fisher King , des Aventures du baron de Münchhausen ou encore de Brazil, le merveilleux est ici la clef pour résister à l’adversité dans notre monde cartésien. Gilliam souligne l’importance de continuer à savoir rêver dans un monde de plus plus uniformisé qui finira par ressembler à un jeu télévisé, comme il l’annonce de façon prophétique dans la conclusion du film. Encore sous l’influence de son expérience au sein des Monty Python, il a recours à un humour absurde assez réjouissant quand il nous présente un Napoléon d’opérette obsédé par sa petite taille ou un Robin des Bois à la tête de gueux pas très malin. Le réalisateur de Brazil nous offre également des instants éminemment poétiques qui deviendront sa marque de fabrique quand nos héros s’écrasent contre un mur invisible ou font face à un géant. Rajoutez à cela un casting solide avec des acteurs comme Sean Connery, David Warner, Shelley Duvall, Ian Holm sans oublier Michael Palin et John Cleese et vous obtenez un mix improbable entre L'Histoire sans fin et Sacré Graal ! Un grand film à redécouvrir !

 

#3 Paradis pour tous d'Alain Jessua

Le film en VOD : https://vod.canalplus.com/cinema/duel/h/2919640_40099

Pour la seconde fois dans cette sélection "de mes meilleurs 50 films", je vous invite à redécouvrir un long-métrage d’Alain Jessua . Un cinéaste qui reçut le prix Jean-Vigo en 1957, et qui fut l’assistant de réalisateurs prestigieux tels Max Ophuls , Marcel Carné ou Yves Allégret . Pourquoi Alain Jessua semble-t-il avoir été oublié alors que certains de ces films comme Traitement de choc ont plutôt bien marché à l’époque ?  La réponse est pourtant simple... Il a oeuvré dans un genre que le cinéma français et l’intelligencia ont en horreur :  le fantastique.

Paradis pour tous qu’il signe en 1982 est le dernier long-métrage de Patrick Dewaere qui mettra fin à ses jours juste avant la sortie en salles. C’est également le dernier film notable de Jessua qui supporta mal les reproches faits par certains critiques qui ont établi un lien de cause à effet entre le sujet du film et la mort de l’acteur.

Dans ce film, le cinéaste français utilise le fantastique pour parler de notre société à travers une histoire aux frontières de la science-fiction coécrite avec André Ruellan, plus connu sous le pseudo de Kurt Steiner dans la S.F. Le cinéaste dénonce la quête du bonheur à tout prix de nos sociétés occidentales. Il réussit ici un film qui doit tout autant à la satire qu’à la sociologie, où les accros au bonheur sont présentés comme une horde de zombies. Malgré son imagerie plutôt 80, Paradis pour tous dresse le portrait d’un monde ressemblant étrangement au nôtre. Jessua nous donne en effet à voir une société aseptisée et obsédée par le bien-être, un monde de consommateurs où l’absence de scrupules devient la seule référence morale.

Dewaere est extraordinaire. À ses côtés, Dutronc, Stéphane Audran et Fanny Cottençon sont également très justes. Il est amusant de noter qu’à l’époque le film fut considéré comme trop grossier dans son approche alors qu’il est terriblement prophétique, en annonçant l’enfer qu’est devenu notre monde 40 ans après. Paradis pour tous est une sorte de rencontre improbable entre le cinéma de Claude Chabrol et de George Romero , que je vous recommande chaudement !

 

#2 Les Maîtres du temps de René Laloux

Le film en DVD (occasion) : Lien

Laloux est un maître de l’animation française qui n’aura pas eu la reconnaissance qu’il méritait. Il aura en effet passé plus de temps à essayer de réunir de l’argent pour ses projets animés de films de science-fiction que de les réaliser. Dans un pays où les territoires de l’imaginaire sont ignorés voir moqués, il aura en tout et pour tout mis en scène 3 longs-métrages d’animation en 30 ans. Des oeuvres fortes réalisées en collaboration avec des grands noms de la bande dessinée et/ou de l’illustration tels que Topor (La Planète sauvage ), Moebius (Les Maîtres du temps ) ou enfin Caza (Gandahar ).

Sur Les Maîtres du temps , outre Moebius, nous retrouvons en tant que scénariste Jean-Patrick Manchette qui est chargé d’adapter le roman L'Orphelin de Perdide écrit par Stefan Wul. Après avoir travaillé avec la Tchéquie pour La Planète sauvage , Laloux externalise l’animation dans un autre pays du bloc de l’Est et engage un studio hongrois. Une collaboration difficile, qui a conduit à une animation souvent inégale dans Les Maîtres du temps . On alterne dans le film entre le sublime à l'image de cette scène mémorable de la planète des pirates, et les séquences à peine animées et esquissées lors des dialogues entre les différents protagonistes dans le vaisseau. Il faut quand même savoir que le style graphique de Moebius aurait posé problème à nos amis hongrois plutôt lents dans l’exécution, son souci du détail s’accordant mal avec l’image en mouvement.
À la fois philosophique, abstrait et poétique, Les Maîtres du temps est un voyage envoûtant. 

La France peut se targuer d’avoir produit un tel classique de la science-fiction. Une oeuvre d’une intelligence rare comme en témoigne son final qui restera dans la mémoire de ses spectateurs. À voir absolument alors que le film n’est plus édité en DVD et qu’il est disponible sur YouTube.

#1 Mon voisin Totoro de Hayao Miyazaki

Le film en VOD : https://www.netflix.com/fr/title/60032294

On peut apprécier les nombreux chefs-d’oeuvre produits par Ghibli, mais sincèrement s’il ne fallait garder qu’un long-métrage de la firme créée par Isao Takahata et Hayao Miyazaki, je suis convaincu que Totoro serait le plus cité ! Quintessence de la vitalité d’une animation japonaise trop longtemps sous-estimée, ce long-métrage est porté par un « character design » de folie, qui a permis à notre esprit de la forêt rondouillard de devenir le logo du studio Ghibli.

Au final, Mon voisin Totoro est bien plus qu’un film, c’est un miracle tant son réalisateur réussit tout ce qu’il touche. Hayao Miyazaki arrive ainsi à nous faire passer du rire aux larmes tout en nous rappelant l’enfant que nous étions.  Prenant place dans une campagne japonaise fantasmée des années 50, ce long-métrage célèbre une nature protectrice qui va prendre soin de nos deux héroïnes devant faire face à la maladie de leur maman.  

Chef-d’oeuvre me semble un dénominatif bien trop réducteur pour ce film à la beauté inouïe. À voir et à revoir, encore et toujours !

Mad Will