Madame est un film tendre, drôle et universel, porté par le regard incisif de Stéphane Riethauser sur la société suisse. Un délicat portrait croisé d’une grand-mère, Caroline, débordante d’affection pour son petit-fils, qui raconte ici son coming-out. Tout simplement passionnant.

La critique :

Madame est un film franchement captivant alors que parfois les longs-métrages biographiques génèrent l’ennui et cette satanée impression de déjà-vu. Là, tout au contraire, le film de Stéphane Riethauser est passionnant, car il s‘agit avant tout d’un délicat portrait croisé entre une grand-mère, Caroline et son petit-fils Stéphane pour lequel elle déborde d'affection, qui raconte ici son coming-out. Par un montage judicieux, les deux personnages dialoguent, donnant encore plus d’acuité et de sincérité à leurs propos.

Le personnage de la grand-mère, une toute petite bonne femme résolue à vivre sa vie comme elle l’entend, vaut son pesant d’or. C’est une femme ordinaire par sa naissance, mais extraordinaire par sa vie. Originaire de Carouge, une petite ville suisse de la banlieue genevoise, mariée de force à 15 ans et violée par son mari, elle accouche seule de son premier enfant. Très vite divorcée, elle est considérée comme une folle parce qu’elle n’accepte pas sa condition et doit subvenir seule à ses besoins et à ceux de son fils. Sans avoir pu faire d’études, parce pour ses parents une femme qui étudie ne sait plus faire le ménage, elle a l’idée d’apprendre la coiffure, ce qui lui apporte ses premiers revenus, puis devient commerciale et vend des gaines. S’ennuyant vite dans ce nouveau métier, elle crée sa propre maison de couture, et s’élève ainsi dans l’échelle sociale. Deuxième femme à posséder un permis de conduire à Genève, elle dénote par son indépendance.

Stéphane Riethauser met en perspective cette vie de femme suisse du début du 20ème siècle et la sienne, celle d’un garçon né en 1972 pris lui aussi dans la tourmente de la « différence » et qui finit par être réalisateur, ce que son père rêvait de devenir. En analysant les images de scènes familiales ou de courtes fictions filmées par son géniteur, il va s’intéresser aux rapports hommes-femmes dans ce qu’ils ont de convenu et mesurer le chemin qu’il reste à faire pour l’égalité entre les sexes.

Une réflexion qu’il prolongera dans son journal intime dont Madame présente quelques extraits, et où il s’interroge sur ses désirs qu’il ne cesse de refouler, cherchant à tout prix à se couler dans la norme sociale. Le film le verra alors accepter son homosexualité. Après son coming-out, il deviendra même militant de la cause homosexuelle.

Au final, Madame est un film tendre, drôle et universel, porté par le regard incisif de Stéphane Riethauser sur la société suisse. Tout simplement passionnant.

Laurent Schérer

La bande-annonce :