Une vague de froid sans précédent a frappé la planète et la population mondiale a été contrainte de se réfugier dans un train qui parcourt la Terre. À l’intérieur, les catégories sociales se sont reformées. Les pauvres sont relégués dans les derniers wagons et vivent dans un dénuement extrême tandis que les plus aisés profitent d’un certain confort à l’avant. Curtis, qui vit avec les marginaux et les laissés pour compte, décide de fomenter une révolte afin de rejoindre l’avant du train et de tuer Wilford, le mystérieux et énigmatique conducteur et constructeur de la locomotive qui semble responsable de cette situation.

Snowpiercer est typiquement le film à gros budget (et encore on est que sur 40 millions de dollars, ce qui n’est pas grand-chose dans la cour des grands) intelligent, divertissant et généreux qui manque cruellement dans le paysage du blockbuster. Mais venant de la part du brillant réalisateur de [[Film:13302 The Host]] et [[Film:15569 Memories of Murder]] sommes-nous vraiment surpris ?

[[Personne:4894 Bong Joon-ho]] réussit l’épreuve que constitue dans une carrière le passage à l’international. D’ailleurs en cette année de sortie 2013, la nouvelle vague de cinéma sud-coréen est sous les projecteurs puisque ses compatriotes [[Personne:6822 Park Chan-wook]] et [[Personne:33281 Kim Jee-woon]] sortent également deux productions/co-productions avec les États-Unis, Stocker et [[Film:118652 Le dernier rempart]]. Cette reconnaissance du cinéma sud-coréen fait plaisir aux cinéphiles, car elle porte des promesses de projets ambitieux aux budgets plus confortables. Depuis, [[Personne:6822 Park Chan-wook]] avec le sublime [[Film:776 Mademoiselle]] et [[Personne:4894 Bong Joon-ho]] avec l’excellent [[Film:16006 Okja]] ont largement transformé l’essai.

Pourtant en décidant d’adapter la bande dessinée Le Transperceneige créée par [[Personne:4896 Jacques Lob]] et [[Personne:4898 Jean-Marc Rochette]], [[Personne:4894 Bong Joon-ho]] se lance dans un projet très ambitieux. Il commence à parler de cette idée en 2006 après avoir découvert le BD. À l’époque il sort [[Film:13302 The Host]] et cette incursion réussie dans le fantastique lui ouvre des portes à l’international. Il signe alors les droits d’exploitation de la bande-dessinée, mais ceux-ci sont finalement prolongés. Le cinéaste coréen décale alors le projet et livre entre-temps l’excellent [[Film:9163 Mother]]. En 2013 sort enfin Snowpiercer, 5ème long-métrage (et premier en langue anglaise) de [[Personne:4894 Bong Joon-ho]] dont le pitch fait grandement saliver. Il faut dire que cette histoire de train transportant les derniers survivants de l’humanité et condamné à rouler pour l’éternité sur une planète déserte a de quoi exciter n’importe quel fan de genre, surtout quand on est familier avec le travail du réalisateur sud-coréen.

La grande idée du film est de mettre en scène le mouvement. Tout Snowpiercer ne repose d’ailleurs que sur cette idée. C’est un film sur la dynamique. D’abord celle du train que Wiflord appelle d’ailleurs « la machine perpétuelle » mais aussi celle de Curtis, porté EN avant, porté VERS l’avant par sa soif de vengeance. Si le film tisse en toile de fond un propos social et écologique puisque les habitants du train sont parqués pour échapper au dérèglement climatique et que cette nouvelle organisation a recréé des catégories sociales, le film met surtout en scène l’évasion et le choix de la liberté. Et partant, des sacrifices que cela implique.

On a souvent lu que le film est une métaphore du capitalisme. C’est partiellement vrai. Snowpiercer est surtout régit par une dictature et un système totalitaire avec son conditionnement et sa milice. Et même s’il y a l’idée de réduire la barrière sociale physiquement en allant vers l’avant et métaphoriquement en reprenant le contrôle de la machine, l’idée principale, de l’aveu même de [[Personne:4894 Bong Joon-ho]], reste l’évasion.

Une excellente vidéo montre d’ailleurs tout le travail de [[Personne:4894 Bong Joon-ho]] sur ce choix de mise en scène. Curtis va toujours vers la droite de l’écran, c’est son but ultime : remonter jusqu’à Wilford. Le spectateur découvre avec alors avec lui tous les autres wagons et les différents modes de vie de ses habitants. Petit à petit la vie et le fonctionnement du train se révèlent jusqu’à la rencontre avec Wilford.

Cette confrontation dans la dernière partie a déplu à certains spectateurs qui ont trouvé cette rencontre trop attendue. Elle est pourtant parfaitement cohérente pour le personnage de Curtis. C’est l’aboutissement de sa course et le moment du choix.

Côté mise en scène le plaisir est total. Les films de train posent toujours le problème de la gestion de l’espace et c’est justement cette contrainte qui est excitante : l’exiguïté du lieu et donc la promiscuité de la menace. Et le cinéaste sud-coréen fait un travail remarquable sur le confinement et l’oppression. Très peu de plans d’extérieurs qui apparaissent alors comme des bulles d’air. Le spectateur doit se sentir asphyxié et n’avoir qu’une seule envie, à l’instar de Curtis : sortir !

Revoir Snowpiercer rappelle la maîtrise de [[Personne:4894 Bong Joon-ho]] en la matière et l’inventivité de scènes d’action encore terriblement spectaculaires. Impossible d’oublier la séquence de combat dans le tunnel avec ces hommes sans visages, cagoulés et prêt à faire un massacre. Le film est jalonné de ce genre d’images particulièrement marquantes comme les aquariums géants que découvre Yona ou les immenses serres. De manière générale, la direction artistique du film est un vrai plaisir visuel, le spectateur en a pour son argent.

Quelques mots sur le casting réjouissant de Snowpiercer. [[Personne:3638 Tilda Swinton]] tout en grimace et fausse dent pour composer un personnage odieux et caricatural mais pourtant terriblement crédible. [[Personne:4884 Chris « Captain America » Evans]] est plutôt bon dans ce personnage d’antihéros obnubilé par son envie de renverser le système. Mais sortent surtout du lot les excellents acteurs sud-coréens déjà vus chez [[Personne:4894 Bong Joon-ho]] : [[Personne:4885 Song Kang-ho]] et [[Personne:4891 Go Ah-seong]]. On ajoute à cela une pincée de [[Personne:757 John Hurt]] et d'[[Personne:4887 Ed Harris]] et on obtient une distribution solide.

Snowpiercer développait un univers avec beaucoup de potentiel et la chaine américaine TNT ne s’y est pas trompé en commandant une série avec notamment [[Personne:4894 Bong Joon-ho]] et [[Personne:6822 Park Chan-wook]] comme producteurs. Le casting ne cesse de s’étoffer (http://variety.com/2018/tv/news/snowpiercer-series-tnt-1202659495/) même si le projet connaît quelques problèmes avec le départ de son showrunner (http://www.premiere.fr/Series/News-Series/Deja-des-problemes-pour-la-serie-Snowpiercer).

Thomas