Présenté en compétition officielle au dernier festival de Cannes, Burning marque le retour du cinéaste coréen Lee Chang-Dong, huit ans après le magnifique Poetry.

Deux anciens camarades d’école se croisent par hasard dans les rues de Séoul. Lui c’est Jongsu, un aspirant écrivain pas très dégourdi, à l’opposé de Haemi, une jolie fille assez entreprenante. A la demande de celle-ci, les deux jeunes gens se revoient, couchent ensemble, puis Haemi part pour un grand voyage en Afrique. A son retour, elle est accompagné de Ben, lui aussi coréen, qu’elle a rencontré lors de son périple. Le duo initial devient un trio étrange, car Ben, grand bourgeois raffiné, ne semble rien avoir en commun avec Jongsu mis à part l’intérêt portée à Haemi. Un jour, la jeune femme disparaît et Jongsu suspecte immédiatement son rival Ben.

Burning est un film flottant, qui laisse divaguer son spectateur de suppositions en suppositions. Que trouve Haemi à Jongsu et Ben ? Pourquoi ces trois personnages sont-ils obsédés les uns par les autres alors qu’ils ne semblent rien partager de plus qu’un diner, un verre de vin ou un joint ? Burning est rempli de suggestions, où les composantes scénaristiques n’existent que par leurs fantômes, à l’image du chat imaginaire d’Haemi, dont on ne voit que les croquettes, et de la mandarine qu’elle fait semblant de manger avec une telle conviction qu’on la voit en avaler les quartiers.

On reconnaît là la fantaisie et l’humour de Murakami dont la nouvelle Les Granges Brûlées est à l’origine du script, même si ici les serres en plastiques coréennes incendiées (le passe temps avoué de Ben) ont remplacé les granges  de la campagne japonaises.

Le film n’est ni véritablement un thriller à cause sa lenteur et son choix de survoler l’enquête, ni une romance, tant les liens entre les personnages sont flous. On se retrouve pourtant miraculeusement emporté dans ce récit qu’on ne saurait définir, et qui continue d’avancer même après la séance terminée. C’est là le talent de metteur en scène de Lee Chang-Dong, qui rend aussi sublime la ville de Séoul que la campagne de Paju. « Le monde est pour moi un mystère » confie à un moment Jongsu, le film aussi, et c’est tant mieux ainsi.

Suzanne Dureau