Rester vivant : méthode est d’abord le premier recueil de textes que publia Michel Houellebecq. C’est autour de ses poèmes parlant de folie et de résilience que le documentariste Erik Lieshout réunit le célèbre auteur pessimiste et quatre compagnons de désespoir : le chanteur Iggy Pop, le peintre Robert Combas, l’auteur Jérôme Tessier et la poétesse Anne-Claire Bourdin. Dans cinq chapitres qui sont autant d’étapes du manuel de survie de Houellebecq, ces cinq naufragés de l’intime témoignent de leurs « sorties de route » - ces moments où les déraillements de leur train-train quotidien les a conduits en hôpital psychiatrique - et de la force qu’ils ont puisée dans l’écriture pour s’en sortir, et ainsi demeurer des poètes vivants.

   Erik Lieshout ne se contente pas de filmer des témoignages en plans fixes tristounets. De travelings hypnotiques en surimpressions schizophrènes, il multiplie les jeux de mise en scène aussi inventifs que pertinents. S’ils se dédoublent tous en docteur Jekyll et Mister Hyde, nos cinq protagonistes sont également les miroirs des uns, des autres, et potentiellement des spectateurs, qui seront d’autant plus touchés qu’ils auront eux-mêmes traversé des déserts. Dans une progression scénaristique qui mène de l’individu au groupe, les portraits s’entrecroisent d’abord, et se rencontrent ensuite, sur fond de blues, parfaite réverbération du spleen des protagonistes. Le face à face entre les deux solitudes du placide Michel et du chafouin Iggy est évidemment un moment d’anthologie, tandis que la réunion finale de nos cinq éclopés de la vie est une belle invitation à faire front pour continuer d’avancer. Film sur la souffrance évitant l’écueil du dolorisme, Rester vivant : méthode est un manuel de survie remarquablement décalé.

F.L.