Excellente adaptation du roman éponyme d’Arto Paasilina, Cornelius le meunier hurlant est un film qui vient déranger le ronronnement de nos vies formatées, à l’image de son personnage principal (interprété par Bonaventure Gacon) qui réveille son environnement en hurlant la nuit.

Pour son premier long métrage, et malgré quelques petites maladresses de mise en scène qui ne prêtent aucunement à conséquence, Yann Le Quellec a su tirer l’esprit caustique et l’univers foisonnant du roman finnois qu’il adapte, tout en prenant des libertés avec sa trame.

Le film nous ravit par ses qualités plastiques : les décors somptueux, la photo magnifique avec des images très soignées, que ce soit en pleine nature dans l’asile psychiatrique ou bien à l’intérieur du moulin avec sa machinerie digne d’une horloge suisse.

Cette œuvre est aussi portée par des acteurs lumineux (particulièrement Anaïs Demoustier dans le rôle de Carmen) et convaincants. Ce long métrage donne à voir des figures, on aurait envie de dire des trognes, ne venant pas seulement du cinéma, mais aussi du spectacle vivant, ce qui donne une force supplémentaire au jeu de ses interprètes. En particulier Bonaventure Gacon, clown émérite formé au Centre National des Arts du Cirque, et Cyril Casmèze, qui joue l’homme ours et que l’on peut apprécier dans le dernier spectacle du cirque Plume.

Cornelius est un meunier qui va où le vent le mène. Là où la caméra le rattrape, c’est au bout du monde (au sens propre comme le panneau au pied duquel il s’arrête l’indique) où il finit par décider de s’installer. Mais même au bout du monde il y a des gens avec lesquels il faut composer et interagir, les hurlements du meunier devenant le ressort dramatique du récit.

Le film est une fable, non pas sur le sens de la vie, même si un certain humour pourrait permettre une comparaison avec le film des Monty Pythons, mais sur son fonctionnement. Le moulin de Cornelius apparait métaphoriquement comme la concrétisation de « la vie comment ça marche ? » avec la difficulté de la construire, les dangers à éviter, les satisfactions, espoirs, joies etc. qui la peuplent. Parallèlement au fonctionnement du moulin, nous observons la communauté des villageois, moutonnière, versatile et opportuniste, prête à fabriquer un bouc émissaire à la première difficulté.

Comme toute fable nous pouvons en tirer des leçons :

Première leçon : fuir ne mène à rien. Cela la littérature nous l’a déjà appris.

Dernière leçon : il faut tuer le père, comme la psychanalyse l’affirme. (Je n’en dis pas plus ne voulant pas divulgacher le film pour ceux qui n’auraient pas lu Paasilina).

Entre ces deux leçons, le film nous rappelle certains grands principes de l’existence : on ne peut forcer quelqu’un à aimer, expulser un étranger qui fabrique la farine nous prive de pain, et bien d’autres leçons qui nous seront rappelées avec une grande variété de tons, du grinçant au tendre en passant par le comique.

Il reste encore beaucoup à dire sur ce film, ne serait-ce que sur le jeu des corps, sur l’animalité qui y transparait, mais le mieux est de se rendre en salles pour vous en rendre compte par vous-même.

Vous l’aurez compris, ce film nous a enthousiasmés et nous voulons crier en chœur « allez en salles voir Cornélius le meunier hurlant » !

L.S.