Daphné a 31 ans mais on lui en donne 23. Elle se trimballe dans Londres, de bar en bar, de lit en lit, à la quête d’un sens à sa vie. Adepte de tous les excès, elle parvient tout de même à se maintenir dans un rythme professionnel, alternant ses escapades nocturnes avec son boulot de cuisinière dans un resto branché. Rigolote, cynique et désabusée, Daphné fait partie de cette jeunesse déglinguée qui, ne reconnaissant pas ses symptômes, refuse de se soigner. Lorsqu’elle est témoin d’un violent braquage dans une supérette, le traumatisme qu’elle en garde l’oblige à chercher un remède pour se libérer de certains démons. Au grand malheur de sa mère, Daphné est en effet du genre à se confier à un videur ou à une inconnue dans le bus plutôt qu’à un psy, mais peu importe, c’est en affrontant les sujets qui fâchent qu’elle se rapproche peu à peu de l’apaisement.

Pour son premier long métrage de fiction l’Ecossais Peter Mackie Burns dresse un triple portrait : celui d’une femme (jouée par l’étonnante Emily Beecham), d’une génération, et d’une ville, et plus particulièrement d’un quartier, Elephant and Castle, dans le sud de Londres. De ces trois ingrédients naît un film charmant, passant subtilement du tragique au comique, en fonction des humeurs de l’irradiante Daphné. Difficile de ne pas la comparer à son dernier alter ego français en date, Laetitia Dosch, la Jeune Femme de Léonore Serraille qui présente les mêmes caractéristiques de la copine un peu chiante et incontrôlable, mais complètement irrésistible. Le film ne repose cependant pas uniquement sur l’impressionnante performance de son actrice, mais sur l’ensemble électrique qu’elle forme avec un Londres sublimé à l’image de jour comme de nuit. En faisant le choix de se focaliser sur un quartier métissé rarement star du grand écran, Peter Mackie Burns est en harmonie avec son idée d’un cinéma underground dont les citoyens britanniques ordinaires sont les héros.

S.D.