Dans les années 20, sur le campus de Harvard, les époux Marston ont beau avoir le même niveau de compétence intellectuelle, seul Monsieur (Luke Evans, fragile) possède le précieux statut de docteur habilité à donner des cours. Néanmoins, dans le secret du laboratoire où ils essaient de mettre au point un détecteur de mensonge, c’est souvent Madame (Rebecca Hall, souveraine) qui a les idées décisives. Quand le professeur tombe amoureux de la jeune assistante (Bella Heathcote, subtile) qu’ils recrutent pour les aider dans leurs recherches sur les émotions et les phénomènes d’influence, il n’est pas question pour Elizabeth Marston de perdre l’égalité qu’elle avait avec son mari. Au lieu de remplacer l’une par l’autre, les deux époux vont partager la jeune femme au sein de ce qui évoluera vers un ménage à trois, mode de vie inédit qui inspirera au docteur devenu auteur de bande dessinée une super-héroïne complètement à contre-courant de tout ce qui existait avant elle dans le monde des comics.

   My wonder women est donc à la fois un biopic consacré au père de Wonder Woman et, tout comme le comic lui-même, un hommage aux deux femmes de la vie de l’auteur, dont l’héroïne ultra-transgressive est une chimère syncrétique. Retraçant une sorte d’archéologie artistique de ce personnage féminin totalement révolutionnaire, pratiquant chroniquement le BDSM sur ses victimes, que les gays érigeront en icône, la réalisatrice Angela Robinson se concentre dans la première partie de son film sur les expérimentations amoureuses vécues par William Marston et ses compagnes depuis leurs années de jeunesse, avant de montrer dans la seconde comment celles-ci se retrouvent transfigurées en aventures super-héroïques sous le crayon de cet incroyable esprit avant-gardiste.

   Alors qu’homosexuels et transsexuels jadis invisibilisés sont de plus en plus présents sur les écrans, My wonder women a ainsi également le mérite d’ajouter une nouvelle pierre à l’édifice de la représentation des minorités sexuelles, mettant en scène de la vie quotidienne et sexuelle d’un ‘’trouple’’ polyamoureux pratiquant la coparentalité. Le film de la réalisatrice et scénariste de la série LGBTI-friendly The L-world insiste ainsi sur la liberté de mœurs dont firent preuve les époux Marston et leur jeune amoureuse, bravant l’opprobre publique due à des préjugés culturels tellement enracinés que tristesse est de penser qu'elle serait exactement la même aujourd'hui. 

   Loin de n’être que militant, le scénario d’Angela Robinson tire également habilement parti du sujet des recherches du professeur Marston (les relations de pouvoir entre les individus), pour développer un regard entomologique sur les trois personnages principaux, dont le triangle amoureux permet d’étudier de nombreuses formes de rapport de force. Pour finir, titillant la corde fantasmagorique de son spectateur, la réalisatrice dirige des séquences d’amour à trois kitschissimes menées de mains de maîtres(ses) par les trois acteurs bien plus érotiques que leurs modèles réels.

F.L.