Le mort-vivant ou Deathdream ou Dead of Night, est inspiré d’une nouvelle de W.W. Jacobs : The Monkey’s Paw. Dans ce récit, une patte de singe magique permet d’exaucer 3 vœux. Si le texte est entièrement construit sur le schéma du careful what you wish for puisque chaque vœu exaucé entraine un tragique retour de bâton, le film de Bob Clark ne cherche pas à creuser de ce côté-là. Il reprend comme point de départ la prière exaucée de la mère et le retour du fils en mort-vivant mais pour en faire une allégorie terrifiante sur les vétérans de la guerre.

Andy, ancien militaire abattu au Vietnam incarne ceux qui reviennent du front vivant mais psychologiquement détruit par les combats. D’abord aux anges à la suite du retour du fils prodigue, la mère déchante vite. Andy se montre asocial, mutique, préférant rester seul à se balancer sur son fauteuil dans le noir plutôt que de voir du monde. Plus aucune pulsion de vie ne semble l’animer. Mais ce silence est contrebalancé par des accès de colère soudains et violents car Andy est habité d’une rage incontrôlable qui semble trouver sa source chez ses contemporains.

Les rescapés qui retournent au pays sont des cadavres encore chauds ayant abandonné une partie de leur humanité au combat. Avec cette idée, le film peut aborder en filigrane toute la question du stress post-traumatique et des addictions (la manière dont Andy se nourrit est assez avant-gardiste pour l’époque), que déclenche le retour à L’american way of life. Bob Clark par petites touches écorne d’ailleurs cette image d’Épinal à mesure que Andy se transforme. Le mort-vivant repose sur l’ambiance et l’inexorabilité de son scénario. Une atmosphère tendue entre les silences de Andy et ses explosions de colère d’autant plus marquantes qu’elles ont souvent lieu à des moments où le spectateur n’est pas préparé. Bob Clark a aussi l'intelligence de filer la métaphore jusqu'au bout. Pas d'atermoiements dans le scénario, Andy se dirige implacablement vers la tombe. Dans un final grandiose le film s'arrête alors là où il aurait normalement dû commencer.

Si visuellement le film a pris un petit coup de vieux il reste tout de même une réalisation inspirée de Bob Clark (le dernier plan est magnifique) et un maquillage très efficace (pour l’anecdote il s’agit du premier film de Tom Savini, assistant sur le film).

Surtout, Le mort-vivant est très avant-gardiste. Il est l’un des rares films à être sorti pendant la guerre du Vietnam ce qui mérite d’être relevé. Bob Clark et le scénariste Alan Ormsby sont en avance et proposent avant Apocalypse Now et Voyage au bout de l’enfer (1979) un début de réflexion intéressant sur ce conflit qui nourrira tout un pan du cinéma. Là encore Bob Clark a posé sa marque en livrant un film inattendu et assez peu connu qui aujourd’hui encore marque par sa noirceur et son double sens de lecture.

Thomas