Il vaut mieux, bien sûr, aimer les chevaux et les Indiens pour apprécier The ride. En effet, après avoir suivi les traces de footballeurs camerounais ou d’escrimeurs antillais, la réalisatrice Stéphanie Gillard tourne cette fois en compagnie de cavaliers sioux. Intriguée depuis des années par les descriptions de chevauchées fantastiques des romans de Jim Harrison, elle s’est intéressée à la réalité contemporaine des descendants du chef lakota Sitting Bull. Pour ce faire, elle les a suivis durant les quinze jours de chevauchée qu’ils entreprennent tous les ans en mémoire des centaines de leurs ancêtres ayant péri le 28 décembre 1890 à Wounded Knee sous le feu des soldats états-uniens, après avoir traversé 450 kilomètres des grandes plaines du Dakota.

Le documentaire qu’elle en a tiré montre bien comment les anciens profitent de cette parenthèse, et plus particulièrement Ron His Horse is Thunder (arrière-arrière-arrière-petit-fils de Sitting Bull), pour tenter de transmettre aux plus jeunes un héritage culturel tristement déliquescent. Pour leur apprendre ce que la réalisatrice veut à son tour nous faire partager : « comment l’Histoire a façonné le présent, […] ce que les Etats-Unis ont fait à leur nation, ce qu’ils ont eux-mêmes vécu : évangélisation, acculturation, destruction de leur langue, vol des terres de façon constante et insidieuse ». Il est surprenant pour le spectateur européen d’assister à cette transmission, d’hommes déchus de leur culture, à leurs descendants vêtus de marques impérialistes de la tête aux pieds. Grâce à son dispositif direct, sans voix off ou interviews de spécialistes extérieurs, The ride nous met en prise directe sur les Sioux d’aujourd’hui, dont la construction identitaire manque à tout le moins d'évidence et rend émouvante l’intrigante rencontre.

Florine Lebris